Mardi soir avait lieu au Casino-Théâtre de Genève une soirée où le principe du duo guitare-voix aura subjugué le spectateur. Mardi soir, les protagonistes sur scène ont prouvé qu’elles savaient capter le public avec peu d’artifices. Mardi soir, Lynn Maring puis Anna B Savage se sont dévoilées avec leurs voix d’archanges, mêlées à une bonne dose d’énergie pour confirmer la bonne tenue du Festival Antigel depuis deux semaines déjà.
C’est avec discrétion, suite à une longue introduction du co-président du festival Eric Linder, qu’Anna B Savage est apparue sur scène. Pieds nus, toute de noir vêtue, la Britannique s’est faufilé entre son micro et son amplificateur Vox pour délecter le public d’une voix si spéciale… et forcément unique. Véritable sensation musicale qui intègre des effluves stoner rock dans ses compositions, Anna B Savage rappelle des artistes comme Patti Smith dans le style ou encore Courtney Barnett sur scène. Elle a surtout décidé de jouer sur l’une d’entre-elle, au Casino-Théâtre, pour une unique date européenne alors que sa tournée est annulée. Spécialement venue pour Antigel (à l’instar de Hania Rani et bientôt Mogwai), la jeune musicienne avoue d’emblée que la salle de la rue de Carouge est la plus belle dans laquelle elle a joué dans sa vie. Bingo, Festival Antigel !
Armée d’une Fender Mustang blanche, Anna B Savage joue sauvagement, mais avec style. Si la distorsion de sa guitare pourrait en repousser plus d’un, elle a cette capacité d’intégrer cette saturation dans un torrent vocal à faire frémir la peau. Capable de chanter autant des notes graves que des aiguës, l’Anglaise signée chez le label City Slang prouve au monde qu’elle est un joyau à polir toujours plus. Sa voix sombre, articulée au possible, lui confère une certaine aura quand vient le moment de se retrouver, seule, devant un public totalement subjugué.
Dans une salle passablement pleine, mais loin d’afficher complet comme pour Hania Rani, elle s’affirme assez vite en commençant par le titre Chelsea Hotel #3. Sous un jeu de lumières simples mais si contemplatives tout au long du spectacle, l’artiste martèle parfois ses cordes de guitares pour souligner des paroles puissantes et sensibles à la fois. Aux côtés de l’artiste, on touche le fond d’un bassin autant que l’on refait surface au dessus de l’eau en quelques secondes. On peut percevoir, de façon limpide, cette image d’une chute de falaise qui accouche sur un sauvetage soudain qui transporte jusqu’au ciel. Malgré quelques interventions en anglais, elle priorise son moment pour l’interprétation de ses chansons, dont quelques unes proviennent de son excellent album A Common Turn paru il y a un an à l’instar de la magnifique Dead Pursuits. C’est d’ailleurs comme sur cet album qu’Anna B Savage tirera le rideau, sur le morceau One.
Sans offrir une chanson en rappel, elle quitte finalement la scène suite à une performance relativement courte mais diablement intense. L’éternel rappel du public du Casino-Théâtre ne servira pas. Anna B Savage sera partie comme arrivée : avec sobriété.
Lynn Maring donne le ton en ouverture
Connue pour son implication sans faille dans le milieu de la musique romande, Lynn Maring était invitée par Antigel pour jouer en première partie d’Anna B Savage. Seule sur scène, accompagnée d’une Gibson SG et d’un synthétiseur Nord comme amis du soir, celle qui participa aux projets Disagony et The Chickitas annonce d’emblée la couleur: d’une voie envoûtante, elle chante des morceaux en anglais et français pouvant être autant tristes et touchants qu’entraînants et dansants. Il y a chez la Genevoise une capacité à offrir différentes émotions, qui ne laisse pas le spectateur dans une monotonie perpétuelle. C’est tout à l’honneur de l’artiste qui rappelle une Sharon Van Etten, dont la grâce certaine sur les planches se mêle à l’énergie communicative d’un public retrouvé après deux ans de pandémie frustrante.
Si une part de celui-ci était anglophone, les francophones ont sûrement apprécié la proximité de Lynn Maring avec son public. L’expérience sûrement. Certains morceaux de son disque éponyme paru en 2017 sont joués, d’autres nouveaux seront aussi dévoilés. Il y a quelques pépites blues à écouter (ou réécouter) tels que Down On The Road. Il y a la puissance émotive de Ressource of à Triangle dans laquelle s’immerger. Il y a aussi le stoner explosif de All You Get Is America. Bref, Lynn Maring est une artiste accomplie qui semble fin prête à secouer de nouveaux les scènes romandes dès ce printemps comme avec ses anciens projets… du moins, on l’espère !
Le Festival Antigel continue avec plusieurs concerts jusqu’au 19 septembre. LastNite sera présent pour plusieurs événements, et n’hésitez pas à visiter le site officiel pour plus d’informations ici.