© Topper Komm

Samedi 15 février se déroulait le show d’un artiste bien connu de la scène électronique expérimentale.




Né en Australie, passé dans une école d’art et coaché par Brian Eno dans le cadre de la résidence Rolex Mentor en 2010, Ben Frost est d’abord un plasticien où il n’est plus question de pistes audio mais d’entités sonores qui interagissent au sein d’un espace. 

Ces décors syncopés et aux influences heavy métal (comme il aime à la rappeler) forment des mondes fantasmés dans lesquels l’artiste n’a de cesse de chercher une forme de beauté en la réinterprétant encore et encore. Compositeur protéiforme, Ben a beaucoup travaillé pour le cinema. On lui doit notamment les bandes son des mondes de DARK et 1899 notamment. La sortie de son nouvel album, 7 ans après The centre cannot hold, aborde un virage à 360° dans la carrière de l’artiste.

Scope neglect – Le hardcore sans boussole

Cet opus, sorti en 2024 chez le label d’avant garde Mute records, est l’objet de l’actuel tournée mondiale. Accompagné de Greg Kubacki de Car bomb et Liam Andrews de My Disco, l’album reprend les codes expérimentaux et apocalyptiques déjà écumés, mais avec un son plus trash grâce aux guitares saturées de Kubacki.

Cet album, aux thèmes libres et à première vue insensibles à des rythmes solides et cartésiens, laisse l’auditeur rêver d’une représentation publique pour pouvoir réorganiser ce puzzle mental, et c’était l’occasion d’y plonger lors de sa représentation samedi soir à l’Alhambra de Genève.

© Stéphane Bordage

Métal hurlant 

Vers 20h10, après une tranquille attente au son des Massive Attack, le duo formé de Ben Frost et de Greg Kubacki s’installe aux commandes devant une salle bien fournie et en configuration assise.

Le concert démarre avec Ben à sa console avec un morceau d’introduction lent et éthéré alors que son guitariste commence les palm mutes typiques du metal; d’abord timidement, puis le show accélère et se lance dans une décharge de décibels ou les deux performers évoluent dans une trajectoire parallèle où Ben semble nourrir Greg des textures nécessaires à son voyage musical.

Le spectacle se poursuit avec une exploration de thèmes différents, et semble très orienté vers l’improvisation. 

Chaque thème est traité d’une manière claire; aucun des morceaux ne se ressemblent, et ceux ci s’enchainent dans une logique d’exploration sonore que seuls les deux artistes semblent connaître. 

Accompagnés de son identité graphique propre, chaque titre est une invitation à évoluer dans un mélange chaotique incarnés par la guitare et par des lourdes rythmiques électroniques, parfois accompagnées de nappes apaisantes mais vites noyées dans des infrabasses et fréquences aigues qui ont mis les oreilles de l’auditoire à rude épreuve.


Des kicks et des couacs

Si d’un point de vue artistique le spectacle rempli ses promesses dans la variété des compositions et dans la performance des deux artistes, il est à noter que les niveaux sonores des hautes fréquences ainsi que la configuration « sièges » de la salle sont à questionner.

En effet, gênés par le volume, plusieurs personnes ont du changer de rang, alors que de laisser le public debout aurait permis de mieux gérer les flux des personnes incommodées et permettre aux autres de mieux communiquer leur enthousiasme. D’autre part, Ben semblait lui aussi gêné par les niveau des enceintes de retour, s’en plaignant plusieurs fois auprès de la régie.

Et pour rajouter à l’inconfort, une coupure électrique arrêta le spectacle environ 10 minutes au grand dam d’un Ben Frost sonné et pétrifié d’avoir du actionner le frein à main de sa machine lancée à pleine vitesse.

Le show a pris fin vers 21h30; chacun sortant de la salle avec la sensation d’avoir assisté à une performance qui n’aura pas pu montrer tout le potentiel d’un artiste prolifique qui, souhaitons le, continuera à façonner des paysages sonores à sa manière pour encore de longues années.