Après une double-performance envoûtante la veille de Tobias Preisig et Sara Oswald, la piscine du Lignon accueillait jeudi une toute autre ambiance. Beaucoup plus rock, évidemment, avec The Psychotic Monks et Warmduscher. Devant une pataugeoire vidée de son eau mais remplie de joyeux lurons, les groupes français et anglais ont donné pleinement satisfactions aux nageuses et nageurs d’un soir.
Il a quelque chose de fascinant avec le Festival Antigel, c’est que chaque année le public peut être surpris. Et en bien, généralement (on pense à l’expérience immersive « du cerf » qui a fait carton plein durant trois représentations dans la catégorie art vivant). Comme hier, certaines ou certains comme moi en ont fait l’expérience en arrivant dans une piscine du Lignon qu’ils pensaient interdite à la baignade. Et aménagée de sorte à vivre le concert de façon classique, avec chaussures aux pieds et bière à la main. Si la dernière option est restée valable, la première non. D’emblée, il est demandé aux spectatrices et spectateurs de laisser ses chaussures à l’entrée et, pour qui le souhaite, d’entreposer ses affaires dans un casier (qu’il ne fallait pas oublier, au risque de payer huit francs).
Passant le point d’eau désinfectant les pieds, la magie opère: la piscine est illuminée, comme des gens qui sont déjà en train de se baigner. La toiture métallique, elle, nous plonge presque dans un monde de science fiction puisqu’elle s’éclaire parfois de couleurs vives. Et non loin de ce monde magique, une scène qui n’attend que d’être foulée.
The Psychotic Monks immerge son monde
Dans un contexte étonnant pour leur première date de l’année, le groupe de Saint-Ouen s’est parfaitement démarqué avec son rock hypnotique et profond, expérimental parfois, qui a le mérite de capter l’attention du public dès les premières secondes. D’emblée, le bassiste Paul Dussaux impose des sons électroniques provenant de ses machines, les témoins d’une musique travaillée et créative qui sera magnifiée par une présence scénique de tous les instants chez tous les membres du groupes. Mais s’il y a une mise au point à faire chez les photographes du premier rang, il se ferait plus particulièrement en direction de Martin Bejuy.
Sous sa tignasse blonde platine, le guitariste fascine les gens. Il y a chez lui une aura magnétique qui sera dévoilée à son maximum lorsqu’il se décida à déambuler dans le public avant de se retrouver seul, dominant la fosse, sur la structure servant de tunnel pour le toboggan de la piscine. Mais résumer The Psychotic Monks à des prestations scéniques de ses membres serait un raccourci trop facile. En effet, chaque morceau est millimétré, avec la chance de voir les quatre membres participer au chant et chacun dans son style particulier. Il n’y a pas de frontman chez les Monks, seulement une unité. Ces morceaux, outre leur musicalité originale qui inclut des drones ou de la trompette, sont agrémentés de surprises et sursauts qui font mouche, pouvant mettre en transe le public comme si une drogue parcourait leur corps. Pourtant, ce n’était pas une rave. Cela prouve encore une fois qu’un travail titanesque a été réalisé en vue de la sortie de leur album Pink Colour Surgery paru début février.
Comme me témoignait le bassiste dans la piscine pendant le concert de Warmdusher, le quatuor a spécialement fait le déplacement depuis leur ville d’origine Paris pour cette date… avant d’enchaîner une quinzaine de concerts en mars pour la promotion de leur dernière production. Elle s’enchaînera avec une tournée dans quelques villes européennes. Preuve que le cadre unique de la piscine du Lignon, conjugué au désormais prestige de jouer à Antigel, auront permis d’attirer l’une des plus belles promesses du rock venu de France à l’instar de Last Train, W!zard ou encore MNNQS. Et pas besoin ici de chanter en français, l’anglais tient encore la corde. Et tous le font très bien.
Les expressifs Warmduscher font sensation
Après la claque donnée par The Psychotic Monks, une autre survient. Elle est offerte gracieusement par Warmduscher, un groupe anglais complètement timbré qui faisait escale à Genève avant de rallier l’Italie le lendemain pour une date de leur tournée. Le quintet présente entre autre des chansons de son dernier album At the Hotspot paru en 2022. Affublés de leurs costumes blancs, les cinq membres ne laissent aucun répit au public de la piscine du Lignon avec leur musique communicative reprenant autant les codes du punk-rock que du funk-disco. Sans oublier une pointe de hip-hop oldschool.
Bref, on pourrait s’y perdre mais les Londoniens sont des magiciens : ils arrivent à mixer le tout dans un blender sans que la saveur ne s’évade. Outre le chanteur moustachu Clams Baker Jr (Craig Louis Higgins Jr) qui en met plein la vue avec une énergie de tous les instants, le public aura sûrement retenu le jeu de basse subtil du discret Mr. Salt Fingers Lovecraft (Ben Romans-Hopcraft), qui s’inspire probablement des styles de Flea (Red Hot Chili Peppers) ou de Robert Kool Bell (Kool and the Gang). On sent d’ailleurs la grande expérience scénique qui traverse le groupe formé à Londres, qui peut se targuer de recevoir des critiques dithyrambiques outre-Manche, particulièrement pour l’album Tainted Lunch sorti en 2019 et ses prestations sur scène qui valent indéniablement le détour.
Heureusement qu’un plongeon dans la piscine non loin a permis à certains (comme moi) de reprendre leurs esprits avec autant d’intensité vécue. Sans parler de la pataugeoire vidée de son eau, qui est devenu un espace de jeu… pour adultes! À se demander même si certains ne seraient pas revenus en enfance, le temps d’un soir.
L’édition 2023 du Festival Antigel se tient en ce moment dans divers lieu de Genève jusqu’au 25 février. Des tickets sont encore disponibles pour les concerts prévus, pour cela rendez-vous directement sur le site officiel du festival ou du partenaire billetterie Infomaniak.