© Amdophoto | Antigel 2023

Entre révélations et artistes établis, le Festival Antigel nous transporte dans un monde sonore où tout est possible. D’autant plus dans la petite Genève. Car quand on voit le monument qui a été convié à jouer vendredi sur la scène de l’Alhambra, il y avait de quoi déplacer les foules. John Cale, ex-membre du mythique Velvet Underground, a prouvé que le talent n’avait pas d’âge.




C’est à presque 81 ans que le Gallois transporte son frêle corps à travers une Europe qui a hâte de retrouver sur scène l’artiste qui a marqué l’histoire du rock. Mais relier M. Cale seulement au Velvet est faussé : à travers sa tournée Mercy, il dévoile des titres personnels qui proviennent notamment de son excellent dernier album dans lequel Weyes Blood, Animal Collective, Sylvain Esso ou encore Tei Shi font une apparition. Un homme moderne, en somme. C’est d’ailleurs toute l’essence de ce concert donné devant un public dont l’âge contrastait fortement avec celui de Lous and the Yakuza une semaine auparavant. Plus d’une heure de pur bonheur musical, qui fera date dans l’histoire du Festival Antigel. Car oui, John Cale sait s’entourer. 

Pour ce projet, il est accompagné d’un guitariste au jeu affiné, d’un génial batteur et d’un bassiste transcendé par l’enjeu. Quant à la vedette du soir, elle est derrière son synthétiseur Kurzweil avec un micro prêt à retranscrire une voix encore pétillante malgré les années passées. C’est d’ailleurs derrière son instrument fétiche que débute cette heure et demie avec l’artiste qui s’est installé à New York en 1963. Jumbo in The Modernworld, premier titre d’une douzaine de morceaux joués, annonce la couleur… et pas seulement musicalement. Derrière le groupe, des projections psychédéliques apparaissent. Pendant le concert, on observe autant des ombres chinoises que du papier craft doré chiffonné. Des photos d’archives, représentant John Cale, s’invitent également. 

Il n’y a qu’un pas (sonore) pour finalement se retrouver dans un concert de Tame Impala, qui reste une référence en matière de représentations visuellement psychédéliques.

© Amdophoto | Antigel 2023

La fibre du Velvet Underground est toujours là

Si John Cale a joué dans le mythique groupe new yorkais de 1965 à 1968 seulement, il n’en demeure pas moins que sa musique est imprégné de ce rock brut, à la limite du garage connu d’aujourd’hui, qui mise sur une ambiance que sur une musicalité. L’effet de voix ‘’parlée’’ caractérisant John Cale ou son ex-acolyte Lou Reed fait sensation sur le second morceau Moonstruck ou plus tard sur Guts.

Mais s’il fallait retenir un moment éclatant de ce set, c’est probablement la réinterprétation de Wasteland qui n’a rien d’égal à la version studio. Soutenu par un riff de basse électronique angoissant et se répétant inlassablement pendant plus de dix minutes, le morceau se construit progressivement à l’aide de pads subtils au synthé et un duo basse-guitare qui laisse imaginer un monde apocalyptique. Les solos pleins de reverb conjugués à des effluves aigues feront vaciller le public qui applaudira chaudement cette prestation de haut vol. Mais quel moment!

© Amdophoto | Antigel 2023

C’est le propre de ce concert qui a été offert aux Genevois et Genevoises par John Cale : une interprétation nouvelle de son répertoire, une volonté de sortir des sentiers battus et de réinventer sa musique. Elle se manifeste dans le récent album Mercy, dont la chanson éponyme a été également un moment marquant avec cette voix évasive qui transperce les murs de l’Alhambra. La preuve vivante que malgré un âge supposément avancé, rien ne peut contrer la créativité de l’artiste. Seul lui est maître de ce qu’il veut proposer, et de le faire pour lui. Et seulement pour lui. Car nul doute que derrière ce travail titanesque sur les sonorités qui a été fait, le public en son entier en est resté bouche-bée.

C’est finalement une belle page du grand livre d’histoire de musique qui s’est ouverte, le temps d’une soirée, sur Genève. Et qui s’est refermée, avec brio, dans l’intimité de l’Alhambra. 


Sky of Augustine laisse perplexe une partie du public

C’est un duo originaire de Zermatt qui était invité en ouverture de John Cale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le contraste était saisissant entre John Cale et Sky of Augustine. D’un côté, il y a cet artiste mondialement connu qui est silencieux sur scène et qui nous bouscule avec des sonorités électroniques complexes. De l’autre, il y a un frère et une soeur qui aiment raconter entre les morceaux leur histoire tout en proposant une musique autour de deux guitares. Ce duo bienveillant aura su charmer une partie de l’audience par sa pop/folk accessible et en faisant l’effort de parler en français devant une Alhambra quasi complète. « Je sais que vous avez le jet d’eau, nous on a le Cervin », dira sur le ton de la plaisanterie le guitariste et chanteur Joel Müller. 

Du point de vue du public, il y avait – semble-t-il – autant d’affection pour nos amis suisse-allemands que de la perplexité face à un projet peu en adéquation avec le répertoire de John Cale. Ce décalage programmatique n’a évidemment pas eu de fâcheuses conséquences, tant Joel et Romaine Müller ont su jouer une musique pleine de sensibilité et d’émotions. Mais cette première partie n’a sûrement pas permis à la majorité spectateurs d’apprécier pleinement la musique offerte par les Zermattois. À l’image de ce que propose Cocoon en France, l’ambiance est apaisante lorsque sont joués les morceaux La vie est belle ou Fall Asleep. Sur scène, il aura toutefois manqué des surprises, quelques variations sonores ou rythmiques aussi, pour s’imprégner pleinement de l’univers de la fratrie. Mais une chose est certaine: à l’écoute plus approfondie de ce projet, on ressent un plein potentiel qui se magnifie par les excellentes harmonies entre les voix. Ce sera à suivre dans un album prévu cette année!



L’édition 2023 du Festival Antigel se tient en ce moment dans divers lieu de Genève jusqu’au 25 février. Des tickets sont encore disponibles pour les concerts prévus, pour cela rendez-vous directement sur le site officiel du festival ou du partenaire billetterie Infomaniak.