© Victor Perrin

C’est un retour attendu qu’offrait l’Américain à Antigel. Déjà passé par Genève pour le festival, le chanteur-guitariste investissait mardi la salle versoisienne pour un set délicat. Une performance sincère, hypnotique et exploratoire qui a su captiver malgré quelques égarements.



Dès les premières notes, Gunn plante un décor feutré avec sa Martin acoustique en main. Un ampli Fender et quelques lumières aux couleurs chaudes accompagnent sa petite scène. Son jeu aux cordes, magnifié par un delay subtil et une reverb enveloppante, déroule un flow lent, presque aquatique, comme une vague qui va et vient dans la froideur de l’hiver. Puis, avec son second morceau, il donne le ton: celui d’un moment suspendu aux petites notes jouées sur les cordes Si et Mi.

Des notes cristallines, et de l’émotion

Le quarantenaire rappelle ses accointances avec l’Americana, comme le serait un Kurt Vile sur son manche: une base rythmique solide, relevée de petites notes cristallines sur les aigus. Mais si l’élégance est là, la gestion des pédales se révèle parfois hasardeuse, notamment dans les transitions finales après des moments plus intenses en milieu de morceau. Comme si le soufflet retombait alors qu’il était au firmament.

Puis, l’émotion prend une autre tournure lorsqu’il s’attaque à une reprise de la sublime Among The Trees, en hommage à son cher ami et auteur du titre Michael Chapman, disparu en 2021 à 80 ans. Un bel âge comme il le dit. Quelle beauté d’arrangements quelques octaves plus hautes, et portés par la voix douce de Gunn.

Entre expérimentation et confusion

La suite du concert s’avérera plus expérimentale, malgré une percutante chanson dans laquelle l’Américain prône le plus beau instant de l’amour: celui du reflet entre deux êtres. « I’ll Be Your Mirror », chante-t-il sobrement avant de basculer son set dans une approche plus animale. S’amusant avec ses pédales et laissant les larsens habiter la fin de certains titres, il se perd parfois dans des boucles sonores où le public reste curieux.

Lui-même en rit sur la fin d’un morceau, avouant qu’il ne sait plus trop ce qui s’est passé. Une improvisation totale, à la fois fascinante et chaotique.

La suite oscille donc entre moments de grâce et de confusion. Loin d’être désagréables, certaines divagations pourraient cependant gagner en fluidité et en simplicité. Le rappel, lui, ramène l’émotion brute au premier plan. Gunn interprète un morceau écrit pour son père, inspiré par une expérience forte en pleine nature. Un instant suspendu, dépouillé des artifices sonores du reste du set, qui conclut le concert sur une note intime et lumineuse.

Steve Gunn, c’est la sincérité et l’audace qui déroute. Elle est toujours empreint d’une sensibilité rare, offrant une ballade sonore qui détonne un mardi soir.