© Victor Perrin 

Quelle soirée, mais quelle soirée vécue à Étagnières. Créant déjà un événement en soi avec la venue du grand Temples, Croc’ The Rock a confirmé ses belles dispositions du weekend avec l’invitation lancée à des groupes prometteurs de la scène rock avec Treeboy & Arc, Jealous et Batbait. 


C’est d’ailleurs au groupe zürichois d’ouvrir les festivités de ce vendredi soir. Avec leur garage rock minutieux, la formation suisse confirme son ascension au sein de la sphère musicale helvétique. Originaire de Zürich mais parlant du mieux possible en français sur scène, le quatuor n’est pas à son premier coup d’essai de ce côté-ci de la Sarine. En effet, c’est dans le cadre d’Antigel que nous avions découvert ces femmes sur scène : une sensation rafraîchissante et bienvenue en hiver avait ravivé la flamme de la salle du Terreau par leur énergie communicative. Mais c’était sans compter que leur ascension ne s’est pas arrêtée aux confins de Genève puisqu’elles sont passées par plusieurs festivals romands, et notamment les Georges, le Palp et l’incontournable Nox Orae.

Bref, cette aisance scénique transparaissait vendredi à la salle de l’Étang durant un set de près d’une heure qui passa en revue les morceaux issus de leur premier véritable album Dirty Clothes, paru en 2022. L’énergie de titres comme le single Telly auront fait bouger un public composé de fans portant fièrement leurs t-shirt vendu au merch.

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Et si on tenait là l’une des futures figures de la scène rock alternative suisse avec Émilie Zoé ou encore Delia Meshlir? Probablement. Avec une musique aussi entraînante, on regrettera seulement l’attitude quelque peu convenue de la batteuse qui contrastait avec la mouvance générale qu’entraînait ses trois comparses en avant-scène. Sinon, c’était tip top et merci viel mal comme on dit au-delà du Röstigraben!

Jealous, n’en soyons pas jaloux!

Pas le temps de se reposer dans la tente de l’Auberge pour savourer une petite raclette que rugissent, une demi-heure après Batbait, les premières notes du concert de Jealous. La formation berlinoise est ce que l’on peut appeler une « claque dans ta face ». Car oui, la courte  description du festival ne laissait pas entrevoir beaucoup d’indices si ce n’est que « le trio [était] prêt à envoyer du lourd ». Chose dite, chose faite avec un concert qui fera date dans l’histoire du festival de Croc’ The Rock. Emmenées par le batteur Findan Cote à l’énergie de tous les instants, les leadeuses Paz Bonfil et Dane Joe subliment leur « glam rock » souligné dans le programme en étant habillées de pantalons de cuir et en se démarquant par un maquillage digne de l’occasion.

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Quant à leur musique, elle traverse l’esprit du spectateur comme un train à vive allure dans les plaines américaines. Une influence qui porte certainement la patte d’Oliver Ackerman, connu pour être le guitariste et chanteur du groupe de rock A Place to Bury Strangers, reconnu comme l’un des groupes les plus bruyants de la scène new yorkaise. Il chapeaute ainsi le groupe dans son label Dedstrange avec l’excellent album Lover/What’s Your Damage? paru en 2021. Le décor est donc posé. Et il sera magnifié par cette complicité entre les trois artistes sur scène, et plus particulièrement la guitariste Paz Bonfil et la bassiste Dane Joe qui offrent des moments épiques en se mêlant à la foule, en partageant un shot avec l’une des membres de Batbait ou en se couchant sur la scène durant un solo.

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Bref, le cocktail rock est délicieux lorsque sonnent K-Hole II, Thunder ou encore Cowboy « Kelly » Katastroph. Le cadre intimiste d’Étagnière aura en tous cas permis de vivre des moments de proximité avec Jealous, dont la carrière est à suivre sans nul doute. Comme Temples, qui est un groupe émergent. 

Totalement faux !

Le monde merveilleux de Temples

Si Temples était effectivement un groupe émergent, il serait déjà connu au moment où paraîtrait cet article. Car oui, on ne présente plus un groupe mondialement connu et qui cumule plus de 340’000 écouteurs chaque mois sur Spotify. Avec leur psychédélisme sonore, le groupe anglais aura su se créer une jolie discographie composée de trois albums fascinants. Un alter-égo surtout au mastodonte Tame Impala et qui tisse sa toile depuis 2013 avec la sortie d’un premier album nommé Sun Structures. C’est d’ailleurs sans surprise que sera joué Shelter Song, l’un des titres phares de cet essai, avec un certain entrain. Comme beaucoup d’autres.

Ce qui restera marquant de ce concert d’à peine plus d’une heure, c’est cette capacité du groupe formé à Kettering d’être si juste musicalement. Le plus passionnant encore, c’est la voix de James Edward Bagshaw qui ne vacille jamais. Mieux encore, elle est moins emportée dans un flot de réverbération et de flanger propre aux enregistrements studios: cela lui donne plus de force et de poids dans la dynamique scénique. On sent d’ailleurs une belle complicité avec ses acolytes Thomas Edison Warmsley (basse), Rens Ottink (batterie) et Adam Smith (claviers et guitare). L’entame sur le titre Paraphernalia donne d’ailleurs à ce dernier la lumière qu’il mérite: ses petites interventions sont souvent juste et donne du corps aux morceaux.

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On retiendra aussi le climax porté par You’re Esther On Something, paru sur leur plus récent album Hot Motion. La voix de Bagshaw aura envoûté, comme souvent, le nombreux public d’Étagnière. Croc’ The Rock tenait peut-être bien là l’un de ses concerts référence, à évidemment inscrire au fer rouge dans son riche livre d’histoire. Avant de laisser la place à Treeboy & Arc, dont le concert n’a malheureusement pas pu être couvert.