© Emilien Itim

Après avoir révolutionné le hip-hop US, l’un des fondateurs de Outkast prend une nouvelle direction. L’auteur de « Hey Ya! » et « Ms. Jackson” s’adonne maintenant à la flûte, ou plutôt aux flûtes, et à l’improvisation aux influences jazz. Un projet étonnant qu’André 3000 est venu présenter au public attentif du Casino. 


On se souvient d’un flow endiablé, précis et incisif. D’une ambiance de folie et de performances turbulentes au milieu d’une foule en délire. Aujourd’hui, c’est une ambiance feutrée qui accueille André 3000 dans les murs du Casino Théâtre de Montreux.

Devant lui, les gens sont assis dans un silence religieux. Les premières notes résonnent dans une salle plongée dans l’obscurité. On ne sait pas si André est sur la scène ou s’il y montera plus tard. Le public, curieux, ne trouble pas le silence de ce début de concert lent et atmosphérique. 

Peindre à la flûte

L’introduction est progressive et peint un paysage audio d’une jungle ou en tout cas, d’une forêt soumise à tous les éléments. On entend le vent, la pluie, les arbres qui craquent et soudain des petits sifflements d’oiseaux. Ça y est ! Le public découvre la composition de la scène.

Sur la gauche de la scène, des claviers. En arrière-plan, des congas et à côté une grande batterie. Au fond à droite, un saxophoniste et à l’avant à droite, un guitariste qui tient sa guitare à l’horizontale. Et au centre, André 3000, grand et vêtu d’une salopette blanche striée de bleu, un bonnet rouge et jaune enfoncé sur la tête avec un gros casque sur les oreilles. 

© Emilien Itim

Une ambient jazz organique et improvisée

Un mot venu à l’esprit pour décrire le concert est organique. D’une part, à cause des sonorités naturalistes proposées dans les morceaux. D’ailleurs, était-ce des morceaux ? Il serait peut-être plus judicieux de parler de mouvements, où des thèmes similaires sont repris avant de passer à d’autres, sans interruption.

D’autre part, André 3000 prend la parole pour la première fois au bout de 30 minutes de concert et informe le public qu’ils jouent entièrement en improvisation. Lui-même ne sait pas la direction que ce concert va prendre. Et c’est avec délice que le public l’accompagne dans ses explorations aux sonorités riches et texturées. Il raconte quelques anecdotes, notamment comment il a fait la connaissance de ses musiciens.

“J’ai rencontré Carlos (ndlr : Carlos Niño, le batteur) au supermarché et il m’a dit qu’il faisait un concert, que je devais venir et amener mes flûtes. Je n’avais jamais joué devant des gens. Sa mère m’a demandé de monter sur scène et de jouer, mais je n’ai pas osé, je suis resté au fond de la salle. Je les ai accompagnés mais tout derrière. Et voilà comment le projet est né.”

Le natif d’Atlanta change souvent de flûtes : des flûtes en tout genre, toutes petites, taillées dans du bois, des flûtes traversières revisitées, des grandes flûtes taillées dans une branche d’arbre. Entre sifflements parfois stridents, parfois graves rappelant les duduks arméniens, et même des bruits de jeux vidéo introduits par les synthés, les atmosphères changent mais restent fidèles au dernier album de l’artiste New Blue Sun.

© Emilien Itim

L’incroyable versatilité d’un artiste qui n’a pas peur de tout recommencer

Ce virage à 180° n’a pas été compris par l’ensemble du public. Certains sont déçus : “c’est quand qu’il va rapper ?”. André 3000 s’approche du micro, la foule retient son souffle. Une langue inconnue retentit de ses lèvres. Ça a l’air profond, il y met une touche d’émotion. À la fin d’une longue tirade, l’artiste regarde le public :

“Voici une langue que j’ai inventée qui s’appelle le Quicko. J’ai toujours été trop paresseux pour apprendre une langue étrangère donc voici mon interprétation.”

Le public éclate de rire et la performance continue. Il n’a peut-être pas tout compris, mais pour le moment André 3000 a laissé le rap de côté et souhaite communiquer via ses flûtes, avec humilité. Et Montreux n’y est pas resté indifférent, parce que peut-être que c’est exactement ça, l’esprit de Montreux.