© Sacha Tissier

C’est le DJ rap-électro du moment qui fait bouger les plus grands clubs au rythme de ses mashups et remixes. Après une ascension fulgurante en 2023, STONE va faire vibrer le MAD Club tous les premiers vendredi du mois. 



Faire quelque chose de nouveau en s’appuyant sur ce qui existe déjà : voici la recette gagnante de STONE, qui cumule des millions de vues sur Youtube et TikTok. En mixant du rap francophone avec tout ce qui lui tombe sous la main, il ramène la Gen Z sur les dancefloors. Se décrivant comme un gros bosseur avec des ambitions de collaborations internationales, LastNite.ch a rencontré le DJ français de 21 ans pour une interview en toute simplicité. Il mixera d’ailleurs le 5 avril à la prochaine soirée « The Biggest Hip Hop Party » du MAD de Lausanne !

« C’est allé très vite: à la fin de l’année, j’avais 50’000 abonnés et 4 mois plus tard 200’000 abonnés sur TikTok »

Raconte-nous tes débuts: le rôle des réseaux dans ton ascension, notamment TikTok… est-ce que tu peux nous l’expliquer ?

Ça fait peut-être un peu plus de cinq ans, presque six, que je me suis lancé dans la musique. Puis, j’ai commencé à poster en octobre 2022 et c’est allé très vite: à la fin de l’année, j’avais 50’000 abonnés et quatre mois plus tard, 200’000 sur TikTok. Je faisais des mashup et ça a pris. Les gens ont trouvé vraiment bien, donc tant mieux pour moi !

Quand on tape STONE sur Internet, il y a beaucoup de résultats qui sortent qui n’ont pas grand-chose à voir avec toi. Comment est-ce que tu as choisi ton nom ? 

Ça date de 2009, quand je jouais aux jeux vidéo. Mon pseudo était STONE et je l’ai gardé depuis. Je viens d’arriver sur la scène, donc il faut que je me fasse ma place. Mais justement, ça me motive à surpasser les autres pour qu’il y ait que moi quand on tape STONE sur un clavier.

Là tu te concentres sur des remixes et des mashup. Est-ce que tu peux expliquer la différence ?

Un mashup c’est la combinaison de deux sons qui existent déjà pour en faire un nouveau, tout simplement. Par exemple, je prends un morceau de Tiakola et un morceau de Rihanna, les deux existent déjà. Je mets la voix de Tiakola sur l’instrumental de « Diamonds » de Rihanna et ça crée un mashup. Alors qu’un remix, tu recomposes un seul son qui existe déjà. En ajoutant des effets, en ajoutant des mélodies pour t’approprier le son, elle est là la différence.

« Je prends justement ce qui manque, ce qui me frustre pour créer mon propre truc, et je vois que les gens sont friands de ça »

Ta constante dans la musique c’est vraiment le rap, que tu mélanges avec tout ce qui est possible et imaginable. De la pop, du classique… ou encore la Reine des neiges !

Ouais, je fais de tout. Je trouve que dans le rap français, les prods s’appauvrissent beaucoup. C’est tout le temps la même chose. Les artistes ont le potentiel d’avoir beaucoup d’autres sons, sauf que les maisons de disques et labels ne prennent pas de risques. Ils font ce qui marche. Je peux comprendre évidemment, mais ça me frustre. Et du coup je fais le mashup : je prends justement ce qui manque, ce qui me frustre pour créer mon propre truc… et je vois que les gens sont friands de ça! Ça plaît sur TikTok et on m’a dit “Incroyable, pourquoi Ninho il fait pas ça ?”

Tu es majoritairement connu pour tes mashups, comment est ce que tu décides des morceaux que tu vas associer ?

Soit c’est de la culture musicale, ou alors c’est juste de l’instinct. J’écoute un morceau et je me dis que cet artiste français pourrait bien passer dessus et je tente. Et la plupart du temps, ça marche ! Peut-être que j’ai une oreille spéciale, mais je me loupe rarement. Pour savoir ça, il faut connaître beaucoup d’artistes français et écouter beaucoup de sons pour savoir lesquels peuvent fonctionner. Mais bon, parfois ça rate quand même.

Tu peux m’en dire plus ? 

Soit je fais le mashup en trente minutes ou une heure, soit il y a des mashups qui prennent vraiment du temps. Parfois, je mets deux semaines à chercher le bon passage a capella de l’artiste français. Je tente des trucs, ça ne marche pas, j’y retourne avec un autre extrait, ça ne marche toujours pas. Et au bout de deux semaines, je finis par trouver. Le Tiakola et Bad Bunny « Dakiti », il paraît simple comme ça, mais il m’a pris du temps.

Et c’est lequel, le morceau préféré que tu as fait ?

À la base, c’était Niska avec un son brésilien qui s’appelle « Bum Bum Tam Tam », mais il n’a jamais marché. Je ne sais pas pourquoi… Mais celui que je préfère, en vrai? Je vais dire le « Tiakola-Rihanna ». Non pas pour la composition musicale, mais parce que je vois comment il marche en boîte et en festival. Et ça me fait trop plaisir. Ça montre que les gens kiffent ce que je fais.

Tu es sur Soundcloud, TikTok, Youtube, mais pas Spotify ou d’autres grandes plateformes musicales. Est-ce qu’il y a une raison pour ça ?

La raison est toute simple, c’est du droit. Pour être sur les grandes plateformes musicales, il me faut l’accord des deux artistes quand je fais un mashup. Déjà, contacter des artistes français c’est compliqué… mais contacter Rihanna, j’ose même pas essayer! Pour moi, c’est pas grave de ne pas les poster sur les plateformes de streaming parce que mon public écoute sur Youtube et Soundcloud. Grâce à ça, je peux être booké dans des salles et festivals. Et quand je ferai mes propres compositions, là je pourrais les poster partout. 

« Tous les jours, sans exception, je bosse sur ma musique pour rattraper le niveau des DJ qui ont dix ans de carrière en club »

Quand est-ce que tu as commencé à jouer en club ?

J’ai commencé à y jouer trois mois après les vidéos TikTok. Vraiment ça, s’est fait en deux secondes. Les clubs cherchent souvent des gens qui font le buzz. Je venais juste de faire la transition entre beatmaker et DJ, ça faisait seulement quelques mois que je mixais. Et tous les jours, sans exception, je bosse sur ma musique pour rattraper le niveau des DJ qui ont dix ans de carrière en club.  Là, j’ai vraiment un bon niveau. Je suis content et c’est pour ça aussi que je mixe au MAD Club de Lausanne, qui est le 54e meilleur club du monde. Je suis devenu résident et tous les premiers vendredis du mois, j’y suis !

Les clubs ont de plus en plus de mal à attirer la Gen Z parce que les 16 et 22 ans sortent beaucoup moins. Peut-être un décalage entre la musique qui passe en club et les jeunes qui écoutent beaucoup de rap et qui n’y trouvent pas leur compte. Penses-tu qu’il faudrait que les clubs laissent la place au rap ? 

C’est ça. Après, je pense aussi qu’il y a beaucoup d’organisateurs de clubs qui ont pas envie de travestir leur image de club électro. Ils n’ont pas envie de céder au rap et, du coup, je pense qu’ils perdent pas mal de leur clientèle. Alors que le rap, ça explose de fou ! En festival, beaucoup de têtes d’affiche sont du rap. Les plus gros artistes maintenant, c’est du rap. C’est la musique la plus streamée de ses cinq dernières années, rien que ça ! Donc maintenant, il faut qu’ils se mettent à la page sinon les jeunes ne vont plus sortir.

« J’ai envie que tout le monde kiffe la musique, j’ai envie que tout le monde vienne, que ce soit une grosse fête »

Est-ce que tu peux nous dire quels sont tes projets ?

À long terme, j’aimerais faire mes propres compositions musicales, mes propres albums pour faire les prods que tout le monde attend. Et pour moi, il n’y a qu’un DJ qui pourrait faire ça. Aucun artiste ne pourra prendre de risques dans son album et changer de style du jour au lendemain. Donc c’est plutôt aux artistes de s’associer avec un DJ pour tenter autre chose.

Est-ce que tu te verrais collaborer avec des artistes hors rap ?

Je fais du rap français parce que ça me plaît, mais je me vois toucher à plein d’autres choses. Si je perce à l’international, après deux ou trois albums en France, je pourrais essayer d’aller chercher les Latinos, les Coréens. J’ai vraiment envie d’élargir mes horizons. J’ai aussi vraiment envie de montrer que les artistes français peuvent collaborer avec des artistes internationaux.

Un petit mot pour la fin ?

Il y a beaucoup de DJ qui me demandent si j’ai peur d’être mainstream. En vrai, ça me fait pas peur, parce que c’est pas une honte de faire de la musique que tout le monde aime. J’ai envie que tout le monde kiffe la musique, que tout le monde vienne, que ce soit une grosse fête. Je fais de la musique mainstream, je veux toucher un public large et je ne m’en cache pas !