© Jet Vesper

Chanteur, producteur et auteur-compositeur australien, Jet Vesper incarne avec aisance un groove teinté de funk, de yacht rock et de disco revisités. Nous avons échangé avec lui sur son univers et son nouvel album en marge de sa venue au Montreux Jazz Festival le 10 juillet.


Entrevue avec Jet Vesper : La magie, quand le public te transmet quelque chose »«Entrevue avec Jet Vesper : La magie, quand le public te transmet quelque chose »Il n’était pas étonnant de voir le natif de Canberra faire escale sur la Riviera, tant sa musicalité, un mélange de Curtis Mayfield et Prince, colle avec l’exigence du festival montreusien. Entre nostalgie et avant-garde, Jet Vesper séduit la critique et le public. EN effet, il y a pile un mois, le 25 juillet, l’artiste a dévoilé son nouvel album Casual Viewing Experience. Un LP prometteur qui assure une immersion dans un monde esthétique à la fois tranquille et sophistiqué. Un prolongement naturel de sa signature sonore déjà admirée… et admirable! 

Tu as joué sur la scène du Memphis cet été. Comment était l’ambiance et quel était ton sentiment d’être venu au Montreux Jazz Festival ?

J’étais tellement honoré de jouer ici, ça signifie beaucoup pour moi. J’ai commencé le jazz à l’école, puis fais cela à l’université. C’est un festival dont tout le monde parle et cela paraît comme un long rêve devenu réalité. Je ne savais pas à quoi m’attendre par rapport au public, car il y a tellement d’amoureux de la musique qui viennent. D’ailleurs, sur la scène du Memphis, peut-être que les gens attendaient davantage du jazz traditionnel…

Mais c’est aussi dans l’ADN du festival de proposer des musiques plus hybrides, qui correspondent finalement bien à ton style, non?

Je pense que pour les premières chansons, le public essayait de comprendre quel était le genre de musique. Et à partir de la troisième, j’ai sentis qu’il passait un bon moment. C’était super bien, une magnifique expérience. Et le staff aussi était gentil, il dégageait une super « vibe » autour de nous. 

As-tu pu apprécier un peu la Suisse durant ton passage ?

Nous avions seulement un jour ici, car nous étions arrivés la veille. Nous n’avons pu visiter d’autres endroits étant directement venus de Genève… mais Montreux, mon dieu, c’est une ville magique! On a eu l’occasion marcher autour du lac, d’y nager. Et je n’avais pas réalisé que Freddie Mercury, c’était vraiment quelque chose ici! Mais je peux imaginer pourquoi il est tombé amoureux de l’endroit. 

© Alexia Linn pour Montreux Jazz Festival

Tu as sortie un récent album, Casual Viewing Experience. As-tu essayé de jouer des nouvelles chansons durant ce concert ?

Je suis plutôt habitué aux sets de quarante-cinq minutes, mais ici c’est la première fois que je faisais un set de plus d’une heure. Nous avions la nécessité de mettre les nouvelles chansons, mais c’était super de faire un set allongé parce que ça donne le temps de réaliser des longues versions et des solos. C’était bon de recevoir la réaction du public aussi.

Est-ce que vous aimez improviser sur scène avec ton groupe, ou rester plutôt dans les structures établies ?

J’ai été dans un groupe il y a plusieurs années, dans un genre plus électronique où nous utilisions des backing tracks. Le concert était très conforme et structuré, mais avec ce projet je ne voulais plus le refaire. Tout est vrai, ce qui est joué, ce qui est entendu. J’ai essayé d’ailleurs de faire sur la majorité des chansons des parties improvisées. Je suis généralement dans le contrôle, mais j’aime ici cette expérience car j’ai l’impression d’être un DJ qui joue d’abord pour la musique. C’est est une forme d’art qui relève de la communication entre des groupes de personnes. Et pour moi, la magie c’est quand le public te transmet quelque chose. Ce que je fais maintenant me permet d’explorer cet aspect. Bien sûr, ce n’est pas totalement improvisé mais c’est bien plus libre que ce que je faisais auparavant.

L’aspect visuel semble d’ailleurs très important pour toi, comme on peut l’observer sur tes clips ou les pochettes de singles ou albums…

Oui. Pour moi, la musique reste évidemment l’élément le plus important, mais je ne vis pas dans le déni : nous sommes des êtres visuels. Une grande partie de notre cerveau est dédiée au cortex visuel, et nous faisons l’expérience des choses visuellement : comme pour la nourriture, qu’on “mange” d’abord avec les yeux, nous vivons aussi la musique avec nos yeux. C’est donc une partie intégrante de l’expérience. 

Comment le visuel t’aide pour la création musicale alors? 

Parfois, j’ai une image en tête avant d’écrire une chanson, et j’ai besoin de composer pour correspondre à cette image. D’autres fois, je compose à partir d’images en mouvement, de danse ou autre… et ça m’inspire. C’est donc aussi un élément important du processus créatif. D’ailleurs, quelqu’un m’a demandé récemment : “Si tu écrivais de la musique mais que personne ne l’écoutait, continuerais-tu à en faire ?” J’ai répondu que ça ne me dérangerait pas si une seule personne l’écoutait car je le ferais quand même. Et je pense que c’est pareil pour le visuel. Je ne cherche pas à créer un univers “cohérent” pour le principe : j’essaie surtout de créer mon propre monde, puis de le traduire en images, en photos ou autres représentations. Et si ça fonctionne avec la musique, alors le visuel vient naturellement.

Pour ton nouvel album, l’image représente une baleine dans le ciel. Est-ce que ça symbolise quelque chose, peut-être le fait d’être moins entouré de bruit, de rester concentré sur l’univers que tu crées ?

Oui, cette image m’a pris longtemps à la concevoir. Et le titre de l’album est lié à une expérience réelle. J’ai écrit les premières chansons dans un contexte où la musique semble de moins en moins appréciée… peut-être que ce n’est pas le bon mot, mais depuis l’arrivée des plateformes de streaming, j’ai l’impression que les gens n’écoutent plus un morceau entier de quatre ou cinq minutes. Il y a un manque d’attention. Je ne suis pas du genre à exiger qu’on écoute mes chansons du début à la fin, mais j’essaie de composer des morceaux qui demandent l’attention des gens. Or, il y a aujourd’hui une culture de l’écoute “de fond”. C’est un paradoxe : j’aime créer une musique positive, apaisante, qui me fait du bien, mais ce genre de musique risque d’être perçue comme un simple fond sonore. C’est donc aussi un avertissement pour moi-même.

© Alexia Linn pour Montreux Jazz Festival

Quand j’entends ta musique, ça me fait un peu penser à des groupes comme Parcels ou Roy Otis : c’est facile à écouter, « feel good » mais tout de même avec des surprises qui captent l’attention.

Oui, exactement. C’est ce que je recherche : que ce soit agréable et amusant, tout en ayant un message.

Tu joues de plusieurs instruments, tu produis ta musique… tu préfères être en studio ou sur scène ?

Si tu m’avais posé la question il y a deux semaines, j’aurais dit sans hésiter : en studio. C’est là que je me sens le plus vivant et en sécurité. Terminer une chanson, c’est la meilleure sensation qui soit. Mais après avoir joué à Montreux, j’ai ressenti quelque chose de spécial : le public, mais aussi le groupe. C’était la première fois que je sentais que tout le monde sur scène passait un vrai bon moment. Donc maintenant, j’adore jouer en live.

Et si quelqu’un ne connaît pas ta musique, quelle chanson de ton nouvel album lui conseillerais-tu pour découvrir ton univers ?

Si tu veux te sentir positif et marcher avec détermination dans la rue : « Love in the Open ». Et si tu es chez toi, amoureux ou sentimental : « The Future Belongs to Us ».