© Nina Maria Glahé

Baigné dans une réverbération éternelle, Silent Violent surprend les sens autant qu’il questionne l’esprit. Dévoilé progressivement à travers deux titres vaporeux, dont l’excellent Paradoxes, le premier album de Hilke s’avère être une belle réalisation qui a l’étoffe d’un immanquable dans le giron de la musique helvétique.



Hilke – Silent Violent

Octobre 2021 – 30 min – Red Brick Chapel


Lorsqu’il est question de sons, l’ex-membre du groupe Amatorski reprend la recette qui a fait la signature de son ancienne formation belge. La dream pop, chère à des formations telles que Beach House, se mêle à des expérimentations louables. En somme, Hilke est une peintre qui explore sa palette. Elle magnifie même son premier EP par une voix androgyne où les graves se mêlent aux aigus dans l’esprit du « coming of gender story » qui dicte son essai. C’est fait avec brio et le titre d’ouverture, Paradoxes, est là pour en témoigner.

Car dès les premières effluves vocales, la thématique centrale du disque paru le 8 octobre est bien présente. Elle concerne cette voix à trouver, au sens propre comme au figuré, d’une artiste qui se perd sur le continuum de la masculinité et de la féminité. L’artiste originaire de Baden considère d’ailleurs « qu’en tant que société, nous aurions beaucoup à gagner d’une approche plus “féminine”, “gender fluid” et basée sur la diversité, afin de trouver un meilleur équilibre entre l’empathie, la gentillesse, le respect, la vulnérabilité et la force ».

© Nina Maria Glahé

Une détonation émotive

Dans cet album, Hilke fait ressortir les sentiments les plus profonds de son âme à travers sa voix enchanteresse… mais pas que. En tant que productrice et compositrice, l’artiste suisse dévoile des facettes étonnantes d’une musique électronique qu’elle affectionne particulièrement. Celle-ci sert autant ses compositions et sa voix que ses collaborateurs, à l’image de Gregory Frateur (Dez Mona) qui amplifie le sentiment de grandeur sur le single Greta et dont la thématique porte sur les émotions engendrées par internet. Un sujet au combien pertinent à l’heure où les internautes se déchirent en ligne.

Sur ce titre « à la fois dérangeant et apaisant, fragile mais confiant », les deux artistes ne se déchirent pas. Au contraire, ils se complètent. S’il est difficile de décrire ce titre – et l’album – avec d’autres mots, ceux-ci s’avèrent être la parfaite combinaison pour décrire l’entièreté de sept titres qui rappelle étrangement la qualité des compositions d’un Woodkid par exemple.


Ainsi, Silent Violent consiste en une trentaine de minutes hypnotiques où l’écoute est frêle et puissante à la fois, où le sentiment d’entendre une détonation émotive est à son apogée derrière la générosité des instruments à vent et cuivres qui accompagnent des titres comme Freeze. Cette détonation émotive, amplifiée par des basses vibrantes, se manifeste aussi sur les collaborations réussies avec Frank Powers (Dino Brandão) sur Paradoxes et Daniela Weinmann (Odd Beholder) sur How Are You.

C’est là toute la force de ce mini-album de l’Argovienne qui sort des sentiers battus et qui attrape l’auditeur au plus profond de ses tripes. Il est certain que l’on en ressort pas indemne, mais dans le bon sens du terme.