Loin des débats sans fin sur la place du jazz au festival de Montreux, il est à noter que celui-ci est encore omniprésent ces dernières années, notamment avec des artistes de choix sur la scène du Casino.
Et c’est dans une salle pleine à craquer que des centaines de festivaliers ont préféré KOKOROKO et Masego à Roisin Murphy et Kraftwerk, qui jouaient sur la Scène du Lac à trente minutes d’intervalle.
Un lieu chargé d’histoires
C’est un peu la routine au Casino de Montreux: les retraités s’amusent aux bandits manchots, les jeunes loups s’essayent à la roulette. Une ambiance surannée ou l’on pourrait presque oublier le celebre incendie en 1971.
Ce soir du 4 décembre, Franck Zappa joue sur scène et un fan allume une fusée éclairante qui sera fatale à la vénérable institution, qui se consumera totalement et dont l’incendie inspirera le titre Smoke On The Water de Deep Purple.
Le nouveau Casino, fin prêt en 1975, accueillera exclusivement jusqu’en 1993 les concerts du Montreux Jazz avec, entre autre. Nina Simone, Mile Davis, Marvin Gaye. Bref, tout ce que la musique au sens large donnait de meilleur au fil des années.
KOKOROKO transforme le Casino en piste de danse
C’est donc avec en mémoire les images d’archives un peu délavées de ces concerts légendaires que le public se dirige vers ce stonehenge de la musique pour aller écouter un groupe particulier. Il s’était d’abord fait remarquer en 2023 en étant sélectionné pour la résidence de la Montreux Jazz Artists Foundation (MJAF).
KOKOROKO, groupe londonien signé dans le label de Gilles Peterson, Brownswood Recording, vient réveiller les illustres esprits passés par ce lieu pour nous régaler avec une un jazz afrobeat aux sonorités électroniques. Il est formé de sept musicien·n·es, dont deux femmes aux cuivres, la chanteuse compositrice Sheila Maurice-Grey et Cassie Kinoshi.
Et c’est une salle comble qui accueille à 20h30 pétantes le groupe qui joue en première partie de Masego, enchainant un show d’une heure sur les titres de son album Could We Be More ainsi que quelques autres de leur prochain opus.
On sent d’emblée une parfaite maitrise des paysages musicaux que le groupe n’hésite pas à emprunter; on est à la frontière d’un jazz ou se mêle musique africaine, cubaine, et plus contemporaine voir synthétique avec trois claviers dont les LFO sous stéroïdes invoquaient François de Roubaix.
La soirée avançant, le public de plus en plus charmé se lache au fil des morceaux et les places latérales se transforment en piste de danse. On peut féliciter la programmation du Montreux pour nous avoir offert en apéritif une formation qui aura su charmer et galvaniser un public très jeune venu surtout pour le prodige inventeur du trapHouse jazz, Masego.
Le clavieriste Yohan Kebede adressera finalement une dédicace à son père qui avait coutume, lorsqu’il était petit, de lui passer le DVD du mythique concert de Marvin Gaye au Montreux Jazz en 1980; une anecdote touchante qui aura ému le public, et nous espérons revoir Yohan et sa bande honorer encore la mémoire des esprits disparus du jazz qui je pense étaient dans la salle ce soir.