© Lionel Flusin – MJF 2023

Quand deux jours plus tôt Lil Nas X jouait moins d’une heure et parfois en play-back, d’autres font le contraire au MJF. Iggy Pop et Generation Sex ont donné jeudi soir des lettres de noblesses au concert tel qu’il devrait être: généreux, simple et enthousiaste.



Ce jeudi, la soirée était mémorable en tous points. Premièrement, les acteurs devant l’immense foule qui composait le Stravinski font partie intégrante de l’immense histoire du rock. Deuxièmement, il y a cette idée géniale de regrouper deux projets parfaitement en symbiose pour composer une superbe affiche de festival. Troisièmement, malgré les âges avancés, les performances étaient réussies. 

Si on cumule les âges des vedettes du soir, c’est à donner le vertige. Iggy Pop? 76 ans. Tony James? 70 ans. Billy Idol? 67 ans. Et pareil pour Steve Jones et bientôt pour Paul Cook. Près de 280 années, dont plus de la moitié de scènes écumées, de bières ingurgitées et probablement de drogues consommées. Aujourd’hui, ces « retraités » pourraient consommer leurs derniers jours d’une vie bien remplie sur une plage. Or, c’est sur leur « plage », la scène, qu’il s’y retrouvent.

Un groupe, et quatre musiciens mythiques

D’un côté du rivage, on retrouve Generation Sex et son génial projet qui voit le chanteur et le bassiste de Generation X (Billy Idol et Tony James) se mêler au guitariste et au batteur des Sex Pistols (Steve Jones et Paul Cook). Rien qu’évoquer ces noms mettait la chair de poule aux spectateurs, d’autant avec l’immense drapé arborant les typolographies des groupes. Et les spectateurs ne furent pas déçus, tant le quatuor inventé de toute pièce a prouvé que la dextérité des doigts était toujours là. Tout comme au niveau des cordes vocales. 

© Lionel Flusin – MJF 2023

Quand bien même le pyroxidé Billy Idol poussait parfois un peu trop sur sa voix pour tenter des hautes vocalises, il a essayé de ne pas être ridicule. Loin de là. Parfois, le Britannique à la veste en cuir a donné une prestation vocale solide sans oublier sa faculté à capter le public. On l’a vu par exemple totalement investi sur quelques morceaux, dont l’excellent Kiss Me Deadly avec sa deuxième partie rageuse. Un moment fort du concert, tout comme les longs solos en finesse de Steve Jones à l’image de la magnifique Black Leather. Avec son acolyte Paul Cook (quelle machine derrière la batterie), la tristesse du temps qui passe n’a pas l’air d’avoir d’effet chez les Sex Pistols. 

Sur l’heure passée aux côtés de Generation Sex, il y en avait pour tout le monde: sept chansons de Generation X pour six chansons de Sex Pistols (dont l’indémodable God Save The Queen). La dernière, une reprise de My Way par Frank Sinatra,fut une parfaite conclusion à ce moment unique avec des légendes du rock. 

« Not a beach trip, not a mountain trip… but a death trip »

De l’autre côté du rivage de cette plage qu’est la scène, Iggy Pop. L’iguane du Michigan était déjà venu dans nos contrées récemment, notamment l’an dernier au Venoge Festival. Mais la belle qualité de son du Stravinski, un public acquis à la cause du chanteur et l’atmosphère globale du Montreux Jazz Festival augurait une prestation bien plus intéressante que celle d’un open-air. Les ingrédients étaient là, manquait plus que la performance. Et sans nul doute, elle était de très bonne facture malgré un accompagnement sonore globalement étouffé. 

Aidé par deux cuivres, un pianiste, un bassiste, un batteur fou et deux guitariste, le septuagénaire était bien entouré. Encore fallait assurer devant, lui qui s’est démarqué dans sa carrière solo et avec les Stooges comme un excellent « entertainer ». Son entrée sur scène marque déjà les esprits. Alors que une musique sombre, gérée par ses musiciens, met le public dans une ambiance particulière, il apparaît tel un dieu depuis l’arrière scène au niveau de la batterie, habillé. Étonnant. Au final, il suffira de quelques notes de la chanson d’ouverture Five Foot One pour que l’iguane dévoile sa peau fripée.  

© Marc Ducrest – MJF 2023

Fier de montrer son corps mince et frappé par le temps, l’Américain tente ses premiers mots dans le micro baladeur. Si c’est timide au démarrage, la suite fut bien mieux. Comme un bon vieux van roulant au diesel. Durant une heure et demie, le natif de Muskegon a passé en revue ses plus grands titres et ceux des Stooges sans une once de pause. C’est aussi ça la force des grands artistes, qui débitent encore sur plus d’une heure à un âge canonique. Il aura surtout rapidement mis dans l’ambiance le public montreusien en balançant dès la cinquième chanson The Passenger.

Repris par la totalité du public, les « la la la » du refrain ne seront pas les seuls moments de partage. Il y eut ce moment touchant où un enfant partagea la scène avec la légende sur Lust for Life. Il y eut aussi cette splendide interprétation I’m Sick Of You qui surprend toujours par ses variations intempestives. L’incontournable I Wanna Be Your Dog enflamma la salle. Enfin, le titre Search and Destroy s’est révélé comme l’un des moments les plus marquants, appuyé par la frappe surpuissante du batteur.

Un long rappel, très désiré par le public, laissera l’occasion au chanteur de s’exprimer à travers sa voix langoureuse qui ne s’est pas fatiguée durant le concert. Peut-être trop lentes, Mass Production, Nightclubbing et Down on the Street tombent un peu comme un soufflet alors que Loose et Frenzy viennent finalement dynamiter, une dernière fois, le Stravinski. 

Le Montreux Jazz Festival se tient du 30 juin au 15 juillet 2023. Des tickets sont encore disponibles pour les concerts programmés pour cette 57e édition. Retrouvez toutes les informations ici même.