© Rémi Brugmann (© M4Music) / Michaela Maiterth (© Marc Ducrest)

Du 5 au 20 juillet 2024, la Riviera vibrera aux rythmes du Montreux Jazz Festival, qui s’exporte hors du célèbre Auditorium Stravinsky en travaux. Mais ça ne dénigre pas la qualité de la programmation proposée, au contraire !



Les grands noms comme Lenny Kravitz, Janelle Monáe, Massive Attack, Deep Purple, RAYE, The Smashing Pumpkins, Justice, AIR, Jungle, Sting, ou encore Kraftwerk se produiront sur la Scène du Lac… pendant que la Scène du Casino accueillera Tyla, André 3000, -M-, Masego, Paloma Faith ou Disiz dans un cadre intimiste.

A l’occasion de l’annonce de la programmation du Montreux Jazz Festival, LastNite.ch a rencontré Michaela Maiterth et Rémi Bruggmann, qui façonnent la programmation avec flair et passion. Si la première se spécialise dans les classiques du rock, fidèle à l’esprit de Montreux, le deuxième est connu pour son talent de découvrir les grands artistes de demain. Ils livrent l’envers du décor de la programmation du Festival et les concerts qu’ils ne rateraient pour rien au monde cette édition !

« La programmation, c’est comme trouver la bonne vague qui va nous emporter le plus loin possible. »

Natacha Valette d’Osia (LastNite.ch) : La première chose qui frappe dans ce programme, c’est le nombre d’exclusivités suisses qui ne vont jouer qu’au Montreux Jazz Festival. Comment ça se fait ?

Rémi Bruggmann: Le but dans une programmation c’est évidemment d’essayer de travailler sur la meilleure des programmations possible, et la plus exclusive aussi.  Quand le public découvre la programmation, on veut qu’il se dise: “Wow”. Les exclusivités, ça se travaille beaucoup, on essaie, on fait des deals avec les managers et les agents, mais il y a aussi de l’audace, avec des artistes qui font un one-off et si on a la chance de les intéresser, ils viennent. 

Michaela Maiterth: Oui, ça dépend vraiment des circonstances. Tous les festivals demandent l’exclusivité et elle est accordée plus ou moins sévèrement ou pas. Parfois c’est national ou régional. Mais l’élément le plus important, auquel peu de gens pensent, c’est si les artistes sont en tournée et par où ils passent: si un concert se fait, c’est une question de timing. Et en Suisse, on a de la chance d’être au centre de l’Europe et beaucoup d’artistes passent par là. 

Vous avez évidemment des gros artistes sur la Scène du Lac, mais vous avez aussi des immenses artistes de l’autre côté sur la Scène Casino, je pense à André 3000, Tyla, -M-, Masego. Comment faites-vous la répartition entre les deux scènes en tant que programmateur-rice ?

RB: C’est des paris qu’on fait au moins 6 mois en avance. On essaye de sécuriser les artistes avant qu’ils n’explosent. Il y a de l’instinct, on essaie d’écouter beaucoup de musique, on va voir beaucoup de concerts, on se tient en courant, on essaie de suivre vraiment l’actualité musicale. La musique va très très vite. La programmation, c’est comme trouver la bonne vague qui va nous emporter le plus loin possible. Et parfois c’est le projet qui dicte la scène: il demande quelque chose de plus intime qui cadre avec plus avec la Scène du Casino. Et puis on monte notre programmation en fonction du type de salles qu’on a et on s’adapte à ça. 

MM : Oui sinon c’est pas la peine de présenter un artiste sur une scène qui convient pas. Le public il sera pas content, il sera pas à l’aise, il faut faire attention à ça. On met nos paramètres, et on voit si les artistes acceptent et ensuite on laisse la magie opérer. 

Qu’est-ce qui fait la particularité du Montreux Jazz Festival ?

RB: On a des petites scènes. Ça permet une condition d’écoute incroyable et il y a cette vraie proximité entre la scène et le public. Il n’y a pas de crash-barrières, donc les premiers rangs se retrouvent à 1-2 mètres des artistes. Cette configuration-là rend l’ambiance si particulière. 

MM: Et l’artiste s’adapte aussi, et ça demande du talent et de la flexibilité pour modifier son show et se mettre dans cette ambiance-là, comment ils vont réagir en fonction avec la manière d’interpréter leur morceau, ce qu’ils peuvent faire. Et nous, notre rôle c’est de sentir aussi qui peut s’adapter aux conditions de Montreux, avec moins de matériels et moins de scénographie. Mais il faut essayer ! 

« C’est purement l’esprit de Montreux, quand on sort des codes et que naît l’expérimentation »

Si vous pouviez aller voir trois concerts cette année au Montreux Jazz, ce serait lesquels ? 

RB: Mon téléphone sera éteint le 7 juillet de 21h à 23h pour The Smashing Pumpkins. 

MM: C’est vrai que t’es super fan. 

RB: Oui ! Raye et Janelle Monáe ça va être un grand moment aussi. Raye a une histoire incroyable, elle a disparu de la scène et a quitté son label qui ne voulait pas sortir son album. Elle le sort en indépendante et bam, elle rafle tout les Brit awards. Mais mon plus gros dilemme, ça va être le 15 juillet, avec AIR et Massive Attack qui jouent le même soir que No Name et André 3000.

MM: Moi je suis la spécialiste pour rater le concert que je veux voir. Parce qu’à cause de mon âge, je connais bien les équipes et je m’arrête trop souvent papoter. Mais je pense à PJ Harvey. Il y a les rockers légendaires et les voir ensemble ça promet d’être un grand moment: Alice Cooper et Deep Purple. Et puis Zucchero et James Arthur, j’aime bien cette combinaison.

On a parlé d’André 3000, qui était déjà venu à Montreux avec Outkast, qui vient présenter son projet de flûte. C’est une sacrée prise de risque !  Pourquoi le booker ? 

MM: C’est exactement pour ça. André 3000 a un spectre musical beaucoup plus large que ce qu’on pense. Je trouve qu’artistiquement c’est une démarche extrêmement courageuse. C’est une chose qu’il faut soutenir parce que c’est un artiste qui sort de sa zone de confort et qui nous présente quelque chose de différent. C’est purement l’esprit de Montreux, quand on sort des codes et que naît l’expérimentation. Je crois que ça représente bien en effet un projet actuel qui casse complètement les codes.

« Il y a des concerts auxquels je ne prévoyais pas d’aller et quand je passe à côté, et je vois qu’il y a quelque chose qui se passe et je reste scotchée »

Des mots pour conclure ? 

RB: Je me réjouis de voir tout ça en live et on pourra rediscuter ensuite des moments qu’on a préférés ! 

MM: Certains artistes se mettent une grosse pression au Montreux, comme le premier concert de Lenny Kravitz, Deep Purple ou Earth Wind and Fire, parce qu’il y a un historique et parce que le public est plus proche que d’habitude. Mais quand ça marche, c’est extraordinaire. Il y a des concerts auxquels je ne prévoyais pas d’aller et je vois qu’il y a quelque chose qui se passe et je reste scotchée. Et c’est ça les moments qu’on recherche, les moments magiques qu’on attend. La programmation, c’est espérer semer quelque chose et voir ce que ça donne !