
Il n’y avait pas meilleure ambassadrice que la Chicagoenne pour sublimer la carrière du défunt musicien et producteur. Pour la première soirée de son festival iconique, Montreux a traversé l’histoire de la soul entre sourires et émotions.
Proche de feu Claude Nobs, fondateur du Montreux Jazz Festival, Quincy Jones est devenu au fil des ans un incontournable de la quinzaine montreusienne. C’est dire que l’Américain, décédé en novembre dernier, était un habitué des bords du Léman puisqu’il s’y rendait chaque été… depuis trente ans!
Et ses collaborations dans le cadre du festival sont innombrables, notamment aux côtés de Jon Baptiste, Simply Red, Phil Collins ou encore Herbie Hancock.
Une amie de longue date pour lui rendre hommage
Quand Montreux a annoncé la programmation de sa 59e édition, la venue de Chaka Khan pour rendre hommage à Quincy Jones faisait sens.
Amis de longue date, les deux artistes nés à Chicago ont collaboré ensemble en 1979 sur la réalisation de l’album Masterjam, mais aussi la production de hits tels que Stuff Like That et I’ll Be Good to You avec Ray Charles. Un pan d’histoire se dressait devant le public de la Scène du Lac.
Si la scène donnant sur le lac aura été éphémère (l’Auditorium Stravinski rouvrira ses portes l’édition prochaine), la musique jouée pour cette soirée d’ouverture sera éternelle dans les mémoires des festivaliers et festivalières.

Cadre majestueux pour entamer la soirée
Le principe de la soirée était simple: la célébration de 50 ans de carrière pour Chaka Khan, puis le témoignage musical de l’oeuvre de Quincy Jones. Cela, la chanteuse de 71 ans n’allait pas le faire seul. Par la force de l’âge, oui, car tenir trois heures de performance relève de l’exploit, mais aussi parce qu’être entouré dans ce tourbillon d’émotions est le meilleur des choix.
Comme amuse-bouche, le public montreusien découvre une scène ouverte sur le soleil couchant du Léman. Devant, trois cuivres, deux pianistes, un bassiste, un batteur, un percussionniste, deux guitariste et cinq choeurs donne la perspective de la soirée: grandiose!

Après dix minutes d’attente et un démarrage vocal poussif sur This Is My Night de Prince, le titre I Feel for You, dissipe le doute sur les capacités actuelles de Chaka Khan. La diva soul est bien là, et Quincy en serait fier : « C’est une soirée en honneur d’un homme qui a changé ma vie, et la vie de beaucoup de gens », dira-t-elle en anglais.
Une succession de voix splendides
Après avoir donné son âme sur Everlasting Love, Tell Me Something Good et The Places You Find Love, place aux émotions fortes de la soirée.
D’abord, l’arrivée de Siedah Garrett, autre protégée de Quincy, apparaît comme un moment précieux: c’est grâce à Chaka Khan que la sexagénaire a fait ce métier. Des larmes perlent sur son visage au moment de partager deux titres ensembles, dont Tomorrow (A Better You, Better Me) de leur mentor.

Sortie de scène pour se reposer sûrement, Chaka Khan laisse la lumière à d’autres voix splendides: Rahsann Patterson et Lalah Hathaway se succèderont sur scène, sans toutefois manquer l’occasion de chanter en duo sur la splendide ballade How Do You Keep The Music Playing ? de Michel Legrand.
Sur les écrans géants, un diaporama des plus belles images de Quincy Jones à Montreux, partageant des moments d’exception avec James Brown, -M- ou encore son ami de toujours Claude Nobs, font surface. La sincérité du moment s’engage sur la Place du Marché, où des inconditionnels du festival admirent, les yeux embués, l’héritage de ce monument pour ce festival incontournable.
Du groove …
Oui, le récit est long… tout comme la soirée! Mais comment ne pas la relater dans ses détails, quand autant de pans d’histoires se succèdent sur scène? Entre morceaux iconiques et artistes pleinement impliqués dans la réussite du concert, il y a de quoi relater.
Car en termes d’implication, on ne peut occulter la présence magnétique de Mark Sway. Sa voix rauque et grave est parfaite pour reprendre des titres souls avec comme thèmes communs « la nuit » et « Quincy Jones » : In The Heat Of The Night par Ray Charles, et Give Me The Night de George Benson sont parfaites. Le charisme du suisse-brésilien fait chavirer les 5’000 spectateurs présents, de quoi lui donner une belle visibilité.
… puis des larmes
L’artiste anglaise Mica Paris viendra également sur scène chanter plusieurs morceaux. Plus tard, c’est un iconique morceau de Michael Jackson, produit toujours par Quincy Jones, qui sera repris par le chanteur suisse SEVEN. Montreux reprend à pleins poumons Rock With You, avant que Siedah Garrett ne remonte sur scène pour interpréter l’une de ses compositions méconnues. Mandatée par Quincy Jones pour créer un véritable hit au Roi de la Pop, elle interprète l’une des oeuvres de sa vie, Man In The Mirror, qui lui a « ouvert tellement de portes » selon ses dires.
Un moment suspendu, dont l’interprétation sincère n’aura d’égal durant la soirée. Sous l’étoile de son mentor, tout un symbole a éclaté au moment de la dernière note lorsque les larmes ont – à nouveau – coulé sur son visage.

Pour conclure cette belle soirée hommage, tous les artistes présents de cette soirée hommage viendront sur scène pour chanter ensemble dans une cacophonie qui laisse penser que les répétitions n’ont pas dû être nombreuses.
Heureusement, ils se rattraperont – tous ensemble – dans un ultime final dantesque après avoir admiré, une dernière fois en solo durant une trentaine de minutes, Chaka Khan sur des morceaux de son répertoire, dont un Ain’t Nobody pas franchement réussi… Un climax manqué, qui n’occulte en rien la globalité de cette soirée marathon de trois heures qui aura ravi un public pluri-générationnel. Un régal que seul le Montreux Jazz est capable de produire en Suisse. Sans nul doute.
