
Beth Gibbons : l’âme mélancolique du trip hop folk
Beth Gibbons, connue comme la voix éthérée de Portishead, signe en mai 2024 son premier véritable album solo, Lives Outgrown. Produit par James Ford (entre autres ; Arctic Monkeys, Jessie Ware, Foals, Fontaine D.C ou encore The Last Dinner Party) et enrichi par près de dix ans d’écriture, ce premier opus explore l’anxiété du temps qui passe, le deuil et la ménopause à travers des textures organiques et délicates. Sa rareté scénique en Suisse — un concert à Zurich en mai 2024 — fait de son apparition au Montreux Jazz Festival un événement à ne pas manquer.
Sa tessiture, à la fois grave et fragile, façonne un trip-hop folk mélancolique, capable de glacer et d’émouvoir instantanément. Salué par la critique et élu meilleur album de 2024 par Time Magazine, Lives Outgrown offrait déjà la promesse d’un concert intense et intime.
Montreux Jazz au Casino : écrin mythique pour confidences sonores
C’est dans la scène du Casino que se déroule ce concert. Salle mythique de 1 300 places mêlant gradins assis et fosse debout, qui a vu défiler de grandes pages de l’histoire ; Nina Simone, Miles Davis, Marvin Gaye et plus récemment Ezra Collective.

Sa configuration intimiste, ses murs chargés d’histoire et sa sonorisation signée Meyer Sound offrent un cadre à la fois chaleureux et précis, idéal pour la voix douce et sans exagération de Beth Gibbons.
Voyage au cœur du concert : l’envoûtement de Beth Gibbons
Le rideau s’ouvre dans la pénombre sur Tell Me Who You Are Today, lancinant folk-phrasé, où Beth, s’agrippe au micro semblant retenir la violence de ses mots. Dans la foulée, Burden of Life se déploie en nappes de cordes et percussions feutrées, portées par James Ford à la batterie et Tom Herbert à la basse, tandis que Howard Jacobs colore l’ensemble de vibraphone et saxophone. La chanteuse est en outre accompagnée de trois autres musicien-nes interprétant les cordes.
Le set progresse avec les gemmes (et l’on sait qu’elles sont nombreuses) de Lives Outgrown : « Floating on a Moment » installe une mélancolie suspendue par les échos ; « Rewind » joue sur les silences, For Sale renoue avec un souffle presque cinématographique. L’intégralité de l’album est restituée sans fioritures. Chaque note résonne dans le silence complice du public. On pourrait croire assister à une diffusion CD tant le tout est limpide.

Heureusement, Beth Gibbons n’en reste pas là. Au cœur du concert surgissent des éclairs du passé solo : le poignant Mysteries et ensorcelant Tom the Model , extraits du duo avec Rustin Man, suscitant les premiers cris nostalgiques du public. Puis, après la tempête « Beyond the Sun », la voix de Beth s’efface quelques instants en coulisse. Ce n’est que pour mieux replonger le public dans le passé trip hop de son répertoire: Roads et Glory Box , véritables hymnes de Portishead qui ont marqué plusieurs génération, signent l’apothéose de la soirée.
Ouverture en douceur : Blanco White et son folk lumineux
Avant l’entrée en scène de Beth Gibbons, c’est Blanco White qui a déroulé son folk introspectif. José González-influencé, le jeune Espagnol a offert une parenthèse délicate : arpèges andalous, mélodies flottantes et timbre cristallin, posant une atmosphère propice à l’intimité, loin des feux de la Scène du Lac.Artiste française en plein boom, elle a remporté la Victoire de la Musique 2025 de la révélation féminine de l’année. Avant, elle s’est notamment démarquée durant le Covid avec des compositions postées sur les réseaux sociaux. Un diamant brut émerge de cette période morose , et avec elle des morceaux sensibles accompagnés d’une voix de velours.

Épilogue suspendu : l’empreinte indélébile de Beth Gibbons.
Rares sont les artistes capables de capter une salle par la seule présence de leur voix. Encore plus quand celle-ci n’excède pas par puissance vocale, mais par sa sincérité ; Beth Gibbons fait partie de cette élite. Au Casino, elle a transformé chaque note en confidence, chaque silence en tension. Son passage au Montreux Jazz Festival 2025 restera gravé comme un instant suspendu, un voyage intérieur où beauté et fragilité se conjuguent dans chaque souffle.

