
Festival rime avec fainéantise? Non. À Montreux, il est possible de suivre deux soirées à 500m de distance. Expérience vécue mercredi soir.
Pour entamer cette course contre le montre, il faut se préparer:
- méthodiquement, en raison des différents horaires de prestations avec lesquels composer ;
- mentalement, car ce sont quatre artistes qui seront scrupuleusement écoutés durant au moins la moitié de leur performance ;
- physiquement, puisque c’est – au moins – 2km à parcourir (sans compter les arrêts aux bars et toilettes)
Voici pour le contexte.
19h50 : on se presse pour voir Jade
Que de bonnes choses entendues sur cette artiste prometteuse, protégée de la tête d’affiche de la soirée. « C’est un grand honneur d’être au Jazz, où tant d’icônes ont joué… en particulier Raye », dira-elle sur scène.
L’Anglaise méritait donc qu’un footing soit réalisé au milieu d’une foule toujours plus denses sur les quais de Montreux. Il faut dire que le soleil (et la chaleur) sont de retour, et que les scènes extérieures gratuites offrent de même de belles vibrations musicales. CQFD.

Avec notre « ID Press », la file menant à la Scène du Lac est abrégée pour atteindre le premier rang où se dresse une chanteuse à la voix scintillante tel un reflet du soleil sur le lac (quel poète). Tout commence en puissance avec le combo IT Girl et Midnight Cowboy, le temps de voir un public embarquer progressivement avec l’univers de la natif de South Shields.
C’est, selon elle, sa première date hors du territoire britannique… et ce n’est pas prêt d’être la dernière, tant son charisme scénique et vocal est prometteur: il rappelle parfois Lady Gaga a ses débuts, comme sur FUFN (Fuck You For Now).

20:45 s’illumine le Casino de la voix de Solann
Artiste française en plein boom, elle a remporté la Victoire de la Musique 2025 de la révélation féminine de l’année. Avant, elle s’est notamment démarquée durant le Covid avec des compositions postées sur les réseaux sociaux. Un diamant brut émerge de cette période morose , et avec elle des morceaux sensibles accompagnés d’une voix de velours.

Dans la veine d’une Pomme ou Barbara Pravi, la Parisienne mise sur ce qu’elle maîtrise parfaitement : une profondeur sensible qui se déploie dans des paroles graves, flirtant avec la tristesse et la colère comme sur le titre Rome. Le Casino se prête parfaitement à celle qui fut programmée par le passée au Festival Voix de Fête à Genève.
Et la voir ici, le logo du Montreux Jazz Festival en fond, accompagnée d’une sono exquise, de lumières parfaites et de musiciens extrêmement talentueux (quelle maîtrise du batteur-percussionniste), c’est la preuve que la musique francophone est au firmament de sa forme.
(Parlant de forme, il faut repartir fissa du côté de la Scène du Lac pour Raye)

21:30, c’est l’explosion (d’émotions) près du lac
Rare sont les artistes qui font pleurer la foule. Mais avec Raye, c’est manifeste et approuvé. Révélation du MJF en 2024, l’Anglaise revient plus forte que jamais. Liée à Montreux par les fortes émotions vécues l’an dernier, elle est aussi rattachée à la Suisse par ses racines (son grand-père) et contractuellement (nouvelle égérie de Audemars Piguet, partenaire du festival).
C’est donc sur les terres de ce festival, qui lui va à merveille, qu’elle a réaffirmé sa suprématie sur la musique soul contemporaine. Elle en est une digne héritière, dans la lignée de la regrettée Amy Whinehouse. À 42 ans aujourd’hui, l’interprète de Valery décédée en 2012 aurait été fière de celle qui compte aujourd’hui quinze ans de moins qu’elle. Ou aurait été-elle jalouse? Nul ne le sait.
Car jalousie, il pourrait y en avoir. En ouvrant avec intensité sur Oscar Winning Tears puis Where The Hell Is My Husband?, la chanteuse posera les bases de ses capacités vocales hors-normes.

Sans l’ombre d’une erreur tout au long de sa performance du soir, elle donnera des frissons sur It’s a Man’s Man’s Man’s World de James Brown, fera verser des larmes au public sur Ice Cream Man et jouera d’intensités avec Genesis.
Certains pourraient regretter le fait qu’elle parle autant entre (ou pendant) les morceaux, mais d’autres (la plupart) verront une femme entière : elle exprime ses ressentis d’artistes, avec les bons comme les mauvais moments, sans tabou ni secrets. Pour vivre, pleinement, le moment présent.
C’était magique, pour toutes et tous. Sincèrement.

23:30 la fête de Waxx est finie
Retour au Casino pour un moment « à la Montreux », où des invités se succèdent pour une belle célébration en musique. Waxx, guitariste et animateurs d’émissions web (Fanzine) et radio (Foudre sur RTL), organisait ce mercredi une date unique en Suisse qui reprend le concept qu’il expérimente depuis plusieurs années déjà : les collaborations sur des reprises de chansons connues.

Croisé dans la rue aux côtés de Pomme, cela ne faisait aucun doute que le Franco-Arménien ne serait pas qu’avec la Lyonnaise sur scène. Mat Bastard (de Skip The Use) et Lubiana se sont succédés en début de set, avant que le groupe Ko Ko Mo ne vienne mettre l’ambiance (et lever le public assis).
Une reprise de Toxic de Britney Spears et Show Must Go On de Queen (tout un symbole à Montreux), c’est à Solann (aussi Arménienne) de réitérer sa performance du soir en interprétant notamment Such A Lonely Day de System of a Down… un groupe aux racines arméniennes! Décidément. « J’ai l’impression que les Arméniens ont besoin de dire qu’ils sont Arméniens partout où ils vont« , dira Waxx en riant

C’est d’ailleurs dans cette ambiance décontractée que le multi-instrumentiste racontera, entre chaque chanson, sa relation avec l’artiste invité-e ou la raison du choix du titre.
Pour clôturer cette soirée marathon, deux apothéoses pour l’artiste et animateur radio : l’arrivée de McSolaar – qu’il a écouté sans relâche étant jeune – pour Hasta La Vista (avec Solann) et Nouveau Western, puis le final de Pomme sur Laissez-moi danser et son titre original Jardin.
C’était toute une soirée.

