
Dans une soirée marquée par des déluges, l’énergie du public est montée en crescendo pour atteindre son sommet au dernier titre de Noah Kahan. Avant la star américaine, les Australiens de Royel Otis ont fait mouche devant le public montreusien.
Durant ses trois premières soirées, le Montreux Jazz Festival a vécu une fournaise (ou presque) avec des concerts marquants (Chaka Khan, J Balvin et Neil Young entre autres). Lundi, c’était un autre décor: le froid se combinant aux bourrasques, le public serait-il d’aplomb pour embarquer dans deux projets musicaux prometteurs? Réponse par l’affirmative.
Royel Otis fait monter la frénésie
(this show has now started)
Sur fond rose fluo à s’exploser la rétine, le texte est simple comme une présentation PowerPoint… mais équivoque. Royel Otis arrive sur scène, ici à quatre, pour déployer leur sonorités aussi relaxantes que stimulantes. Dans la veine des meilleurs groupes des années 2010, le duo formé du guitariste Royel Maddell et du chanteur Otis Pavlovic font honneur à Foster The People, Portugal.The Man, MGMT ou Two Doors Cinema Club. On pose ça ici, la relève est là.

(dance with the person next to you)
À l’image de leur texte de fond de scène, leur musique est un échappatoire d’autant plus quand le ciel menace. Et en concert, c’est une surprise. Les titres s’égarent de leur aspect épuré du studio pour s’offrir une cure de jouvence, une force explosive caractérisée aussi par les apports géniaux de Julian Sudek (batterie) et Tim Ayre (synthés) en tournée.

Durant une heure, le duo formé à Sydney en 2019 seulement a évidemment passé en revue ses meilleurs compositions (et il y en a!) avec Heading for the Door (tout en progression), Kool Aid (tout en maîtrise) ou même Adored (tout en décontraction).
(lyrics from a new Royel Otis song are supposed to go here)
Pour saupoudrer ce plaisir auditif, Royel Otis a ajouté à la setlist quelques nouveauté, dont l’excellente car, ainsi que deux reprises. Marquantes dans la jeune carrière du groupe, Murder On The Dancefloor (Sophie Ellis-Bextor) a transformé l’instant en un moment de frénésie pour le public tandis que Linger (The Cranberries) a fait communier cinq milles personnes, sous la pluie, sur les paroles magnifiques co-écrites par la regrétée Dolores O’Riordan. Magique.

Noah Kahan, une voix digne du prestige de Montreux
Il faut être clair d’emblée : le 90% du public n’était pas là pour les Australiens, mais pour l’étoile américaine dont l’arrivée sur scène était prévue à 21h45. Avec quelques minutes de retard, Noah Kahan se dresse devant la foule. On ne lui en tiendra pas rigueur. Sa carrure massive cache derrière une gentillesse hors-normes, au sourire toujours éclatant au regard curieux, voir rieur.

Entouré de musiciens efficaces sans être marquants, il s’accompagne lui aussi à la mandoline et aux guitares (impossible de toutes les compter). D’emblée, sur All My Love, le public le suit et on comprend vite le phénomène qui se dresse sous nos yeux : plus de 24 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify et des milliards d’écoutes pour ses hits. Impressionnant.
Si son style folk-pop, à la croisée des chemins de Cat Stevens et The Lumineers, présente peu de surprises rythmiques et au niveau structures sur une heure et demi de concert, personne ne peut reprocher un manque de fiabilité de la voix du natif de Strafford (Vermont). Elle est parfaitement dosée, dynamique et, surtout, capable de jouer sur tous les registres d’octaves (ou presque).

Sur Forever, la voix de tête « à la Bon Iver » est extrêmement bien maîtrisée, tandis que sa force donnée sur Growing Sideways, en acoustique seul au coeur du public, est à saluer. Ce fut d’ailleurs un moment précieux… et charnière: la deuxième partie du concert sera probablement la meilleure, avec des performances de choix sur Dial Drunk, Northern Attitude et l’immanquable clôture sur le hit planétaire Stick Season.

À l’aise face au public suisse et son décor aussi lacustre qu’alpin (« this place is fucking georgous » dira-t-il), Noah Kahan a su s’entourer d’une foule en phase avec l’artiste, dont la générosité est à souligner. En espérant que ces genre de performances se maintiennent dans un Montreux Jazz Festival qui tient toutes ses promesses depuis ses débuts le 4 juillet!
