Chien Bleu © Antoine Andreani

Jeudi au Club Tent, deux plumes ascérées du bout du lac ont montré qu’elles ne se contentaient plus de la petite échelle. Chien Bleu et Mairo ont enchaîné des prestations puissantes, dans leurs registres. La scène rap romande vit son âge d’or, et il aurait été dommage de ne pas en profiter.


Il est un peu plus de 19h45 lorsque Chien Bleu, silhouette robuste de grande sensibilité entre sur scène avec ses quatre musiciens. Son flow est précis, sans détours. Derrière, la batterie, la basse, la guitare et les synthés amènent une autre dimension au concert. cette configuration organique en dit déjà long sur ce qui nous attend : un vrai show de festival. Car ici, pas de backing track à outrance pendant que le rappeur cavale. C’est vivant, vibrant, et surtout joué!

Chien Bleu, ce punk masqué

Dès les premiers titres le public est happé, notamment avec On va jamais mourir, titre marquant du récent album du Genevois, et Jeune Dieux. Ils sont balancés sans ménagements, pour cueillir une foule encore tiède. Le ton est donné. Puis l’émotion s’invite.

Dans un moment touchant, Chien Bleu évoque sa présence à Paléo comme un aboutissement. Ses parents sont là, dans le public, là où leur rencontre s’est produite. L’histoire est bouclée, mais elle pourrait s’ouvrir pourquoi pas à de plus grosses scènes du festival. Ce ne serait pas usurpé.

© Antoine Andreani

Au moment de jouer Saisons, les festivaliers-ères commencent à cerner l’essence du trentenaire : une écriture fournie mais accessible, des phrases qui marquent les esprits autour d’un mot — saison — qui se répète comme un mantra où tout le monde parle le même langage. Même ambiance solennelle sur Solo, avant que Bagarre dans la cour ne conduit le Club Tent sous un amas de poussière du sol terreux : le public se lance dans un immense pogo, Chien Bleu descendant à son tour dans la fosse, porté par son énergie punk de l’époque avec son groupe Sergent Papou. Génial.

Qualité et émotions au rendez-vous

On sent le Genevois pris d’émotion, le public étant plus élargi que celui du PTR lors de son sold-out du vernissage de janvier dernier. Il est plus curieux aussi, laissant certains s’attarder sous le chapiteau (alors que leur but était clairement de chercher une bière). Ceux qui restent (et ils sont beaucoup) révèle une prestation plus que soignée, très sincère et exécuté avec un VRAI groupe. On sort du schéma classique, et ça fait du bien.

Petit bémol : On va jamais mourir est joué une seconde fois en cours de concert — sans que l’on comprenne très bien pourquoi — amenant le set à déborder de dix bonnes minutes sur son horaire. Un écart qu’on lui pardonne (peut-être moins le festival), tant l’ensemble du show était généreux. Alors, prochaine fois direction Véga ?

© Antoine Andreani

Mairo et ses disciples sous l’eau

À 21h20, place au poids lourd du rap francophone. Fortement suivi depuis quelques années déjà par la communauté, il a pris une toute autre dimension à la sortie de LA FIEV en début d’année. Bien présent sur les territoires francophones (même le Québec), Mairo reste prophète en son pays. En début de l’été, c’est la Scène Ella Fitzgerald à Genève qui l’a accueilli, avec succès.

Alors que les trombes d’eau s’écoulent sur la toile du chapiteau, il déboule sur scène avec ce flow ciselé qui fait sa réputation. L’ambiance est surchauffée par un public représentant, pour la plupart, sa ville natale avec des maillots du Servette Football Club sur le dos. Ceux qui sont abrités se réchauffent, et ceux à l’extérieur tentent de le faire.

© Antoine Andreani

« Paléo, c’est chez moi, c’est chez nous ! »

La pluie est toujours intense, comme le concert du rappeur genevois. Le succès de sa venue est tel qu’il est impossible de pénétrer dans le Club Tent. Dommage pour quelques personnes, mais tant mieux pour le musique romande fièrement mise en avant. La pâte brisée et tant d’autres titres frappant de son répertoire sont exécutés avec une précision sans faille. Le texte, la voix: c’est simple parfois.

© Mairo

Et entre deux morceaux, il s’adresse au public avec fierté : « Ça vient de Genève, on est à la maison. Paléo, c’est chez moi, c’est chez nous. » Il cite Slimka et Makala, figures de cette vague genevoise qui n’a plus peur de se confronter à Paris ou Bruxelles. Elle a fait Paléo, désormais lui aussi.

Et le public acclame Mairo comme l’un des leurs. Il parle de son rêve devenu réalité, de jouer sur la scène du Dour comme il était dit dans l’un de ses albums. Puis à Nyon, les bases de la suite sont posées : « Dans mon prochain album, je dirai que je veux faire la Grande Scène du Paléo. Et je le ferai. » Rideau. On y croit fort.