© Claire Cantone

Après une montée sinueuse en car en fin de matinée, au départ du Châble et à destination du Col du Lein, nous arrivons au milieu d’un paysage alpin en lisière de forêt. Au loin, les basses sourdes du premier groupe programmé pour cette journée, Ghostwoman, indiquent le chemin aux festivalier·ères.


La bande sonore envoûtante accompagne parfaitement la montée courte mais abrupte jusqu’au lieu du festival, un pâturage emprunté à ses locataires bovines pour le temps du festival. Ici, c’est la Rocklette, accueillant les férus de rock pendant sept jours dans trois lieux reculés différents du Val de Bagnes. Ce jour, nous allons au Col du Lein, à presque 1700 mètres d’altitude, dominant à la fois le Val de Bagnes et la Vallée du Rhône. C’est l’un des rendez-vous phares du PALP Festival, où l’on marie riffs de guitare et fromage fondu en plein cœur des Alpes valaisannes.

Quand la montagne devient scène

Ce festival romand, qui s’étend du printemps à l’automne, offre un programme très varié d’activités culturelles et de lieux où en profiter. Existant depuis 2011 et souhaitant œuvrer comme un laboratoire culturel, il propose une vingtaine d’événements innovants et insolites dans des lieux patrimoniaux emblématiques du Valais. Des expositions ont lieu chaque année dans le PALP village à Bruson, la Rocklette et l’Electroclette à la montagne, des concerts dans des châteaux, des événements culinaires sur un télésiège, pour ne citer que quelques activités organisées par le PALP. 

© Claire Cantone

Une fois arrivé sur le site du festival, on croit rêver. Le groupe canadien de garage psyché est encore sur scène, hypnotisant la foule. L’odeur de raclette flotte par vagues portée par le vent. Tout autour, la forêt et les montagnes encerclent le site. La scène, installée dans un creux naturel entre deux pentes, offre un cadre à la fois brut et intime. Les spectateur·ices s’installent à même l’herbe, debout devant le cordon qui nous sépare des artistes, ou alors couchés ou assis, une bière locale à la main, le met valaisan dans l’autre.

Les groupes et le public étant à même l’herbe, on a l’impression de partager une même expérience renforçant la proximité avec les musicien·nes. Celleux-ci, émerveillé·es, ne manquent pas de souligner la magie du lieu. Ici, l’ambiance est familiale, légère, et résolument festive.

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Slomosa, la toundra rencontre les Alpes

Place aux Norvégien·nes de Slomosa. Formé en 2016, le groupe de desert rock se revendique plutôt un tundra rock, au vu de l’absence de désert en Norvège. Leur son massif flirte avec le stoner, genre de prédilection à la Rocklette. Les têtes se balancent à l’unisson, les cheveux suivent le rythme : un mouvement hypnotique.

Entre deux riffs, le chanteur glisse quelques apartés : soutien à la Palestine, pique contre les évadés fiscaux, blague sur le fait de jouer à 1 700 mètres. La setlist se termine sur des morceaux plus punk, où le public lâche prise, secouant la terre sous ses pieds.

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DIIV enveloppe le Col du Lein

Les quatre membres du groupe new-yorkais formé en 2011 arrivent sur scène avec leur attitude nonchalante, et entament directement leur concert après une introduction diffusée par les haut-parleurs. Ils oscillent entre morceaux plus calmes et introspectifs et ceux des deux derniers albums avec une guitare plus énergique. Leur dernier album Frog in Boiling Water (2024) sera tout de même le plus représenté. 

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Le public a été transporté par le concert du quartet de shoegaze (genre surnommé ainsi car les membre du groupe regardent les nombreuses pédales d’effets à leurs pieds). DIIV distille des morceaux où la voix se fond dans le son, comme souvent dans le genre. Derrière cette brume sonore, le groupe porte un message politique clair anticapitaliste. Bien qu’il n’ait que peu interagit avec le public, ils n’hésitent pas à prendre position dans les médias. Leur musique planante, résonnant parfaitement au milieu des montagnes valaisannes, offre une expérience unique. On a la sensation d’un voyage cosmique au beau milieu d’une carte postale suisse.

© Claire Cantone

Quand les dernières notes s’éteignent, avant la tombée de la nuit, le public qui ne campe pas sur place redescend en car avec le sentiment que la journée a filé bien trop vite. Il est rare de vivre un moment où plusieurs centaines de personnes se retrouvent au bout d’une vallée, unies par la musique, partageant un paysage et une ambiance qui semblent faits l’un pour l’autre. Trois groupes, trois univers, et un décor à couper le souffle : la Rocklette a encore frappé.