© Noah Piller

La Bretelle, bar associatif vestige du passé festif de la rue des Etuves des années 70 et 80, et dont la musique live est un des éléments fondateurs, accueillait samedi 4 avril la quatrième date du COURS TOUJOURS TOUR.


Cette tournée permet à TAKEMO, rappeur genevois désormais exilé à la Chaux-de-fond de présenter son nouvel EP Tomber mieux, premier volet de la trilogie du même nom sorti deux jours plus tôt. Un show singulier débordant d’authenticité.

Juste avant lui, se produisait le groupe de rap belge PERITELLE, moitié du supergroupe formé pour la tournée et avec qui TAKEMO partage de nombreux points communs artistiques.  

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Prise PERITELLE de Proust 

Sur scène, les rappeurs Versatyl, Carl et le beatmaker Simon Carlier incarnent leurs personnages (et semble-t-il leurs personnes) à 100%, des textes au costumes en passant par leur interprétation scénique. Loin d’enfiler des cosplays de rappeurs, le groupe mobilise, sans faire de jeunisme, des références textuelles et musicales des années 80, certainement sources de nostalgie pour eux.

Carl et Versatyl comptent des sujets souvent dramatiques sur un ton absurde ou tragi-comique, et sont bien parvenus à transmettre cette énergie au public de la Bretelle. Un rap drôle, récréatif et sans prétention, prodigué par de grands adolescents comme le laisse deviner le nom du groupe avant de laisser place à TAKEMO.

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TAKEMO en équilibre sur le fil  

Suivait donc TAKEMO, d’emblée accueilli par les voix d’auteurs et autrices déclamant des citations sonores qui posent l’ambiance du concert qui vient de commencer.

« Vous devriez tous aller au théâtre, pour moi c’était ça ou tomber dans le crack » 

Issue de Funambule, premier extrait de Tomber Mieux, cette phrase résume peut-être à elle seule le rapport qu’entretien l’artiste avec sa pratique du rap.

Des conseils de vie comme celui-ci, aussi simples qu’inhabituels une fois appliqués à un contexte particulier, ses textes en sont truffés. Il a d’ailleurs profité d’en prodiguer un directement au public genevois de la Bretelle en leur recommandant de prendre le train afin de « vol[er] à ras du sol » pour être heureux.

« je prends de la hauteur, sauf que c’est en longueur » 

Changer le cadre d’un concept et par la même occasion sa portée, mélanger les codes: peut-être s’agit-il de la recette permettant d’identifier l’écriture de TAKEMO et probablement la personnalité de celui qui se cache derrière.

«J’ai pas bibi dans la street, mais ridé la bibliothèque »

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Ses références elles, sont tout autant tirées de la pop*culture, comme il est coutumier dans le rap, que de littérature et théâtre classique ou du patrimoine suisse, chose bien plus rare : « J’écoute Robert Glasper, je lis Robert Walser ». TAKEMO paraît apprécier l’idée de ne pouvoir entrer tout entier dans une case, quitte à parfois même magnifier cet aspect. 

Ce mélange d’influences, il le tire certainement en partie du croisement des différentes cultures qu’il a apprises ou héritées. Sa tendance à mettre le doigt sur les contradictions liées à son identité sociale et son entourage complexe le rapproche, cette fois-ci, de ses pairs rappeurs et rappeuses.

 « Mes potes les bourges s’paient le luxe d’être pauvres »

TAKEMO est donc un rappeur qui joue avec les codes du genre qu’il pratique, ceux des milieux sociaux qu’il fréquente pour accoucher d’un rap aussi hétérogène et métissé que l’est son expérience.

*qui ont le rappelle, veut dire populaire