© Nikita Thevoz

Référence des bootlegs/mashups, DJ Zebra est un artisan du son qui mixe deux titres pour en créer un unique et détourner le style original. Fort d’une carrière impressionnante depuis les années 90, le Français a défié toutes les scènes possibles. Discussion enthousiaste au sortir d’une intense tournée estivale. 



Attablé au Festival Nox Orae, qui s’est tenu à la fin du mois d’août, Zebra se dévoile au gré des minutes passées à ses côtés. À quelques minutes de son set enflammé pour clôturer la soirée de vendredi, aucun stress ne l’envahit. Antoine Minne, son nom à la ville, est un homme enthousiaste, surtout au moment de raconter les anecdotes de sa vie. Parce que oui, pourquoi donc un nom de scène qui reprend celui de l’équidé venu d’Afrique?

Être un zèbre, mais pas l’animal

« Ma prof de philosophie donnait un animal totem à chacun de ses élèves. J’ai hérité du zèbre, parce que je ressemblais au personnage d’Alexandre Jardin adapté au cinéma par Jean Poiret. Dans le bouquin, c’est un mec intenable qui est complètement schizophrène : en cours, je pouvais passer deux heures à m’ennuyer et le lendemain changer complètement de comportement. Pourtant, l’animal est peureux et de la bouffe pour les lions! Pour moi, je n’ai aucun rapport avec l’animal. J’ai appris après qu’il était symbole d’intelligence, mais ça ne me concerne pas (rires) »

Dans un sens, aller sur scène n’a pas de valeur intellectuelle pour Zebra. C’est une autre forme de plaisir qui est recherchée, celle de la déconne comme l’artiste l’a vécue en tant que bassiste pour Billy Ze Kick et Les Gamins en Folie. « Grâce à l’album des titres « Mangez-moi ! Mangez-moi! » et « O C B », c’est la première fois que j’ai été crédité en tant que Zebra pour quelque chose ». 

Traverser les générations, et toujours des émotions

Comme Antoine Minne le souligne un verre de vin à la main, « le motif zèbre est indémodable ». C’est en partie pour cela que le quinquagénaire arrive encore à traverser les générations sans toutefois se sentir dépassé musicalement parlant. Car c’est la force de son mix, la capacité – par exemple – d’assembler des titres de Rosalia et de Rage Against The Machine au hit Djadja de Aya Nakamura. Point commun de DJ Zebra avec la chanteuse franco-malienne? Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. 

Pour la clôture de ces derniers, le résident genevois a retrouvé ses racines au Club France aux côtés de DJ Prosper, son compère du Bootleggers United. « À la base, c’était le nom d’une soirée que j’avais initiée en 2004 quand il y a eu tout le mouvement bootlegs. Je me suis dit qu’on était unis, qu’on est une équipe et qu’on fait tous des mixs de bâtards. Et après, quand j’ai monté le duo, j’ai gardé le nom parce qu’il est vachement bien! », confie le multi-instrumentiste. 

Devant des milliers de personnes, dans une ambiance de fête, DJ Zebra a probablement retrouvé une partie des sensations que l’on vit peu de fois dans sa vie, sur des grands événements ou de grandes scènes comme aux côtés de Louise Attaque aux Francofolies de 2006, avec Bagad Karaez aux Vieilles Charrues en 2011 ou au Paléo Festival en 2019, lorsque Stephan Eicher a organisé un concert en dernière minute suite à l’annulation de la venue de Shaka Ponk. 

Malgré tout, des fois les sets ne fonctionnent pas aussi bien qu’il l’aurait imaginé : « Ce n’est pas comme un groupe. Je suis tout seul à encaisser, et des fois, j’ai l’air d’un dingue parce que quand je kiffe, la seule personne que je regarde pour voir si c’est bien, c’est l’ingénieur son des retours sur le côté de la scène. Sauf que le mec est en train de bosser et je suis seul dans mon énergie! Cet été à la Chaux-de-Fond, c’était catastrophique. Les gens de ne réagissaient pas, il fallait que je me motive moi-même dans ma musique pour arriver à prendre du plaisir. J’avais l’air d’un taré, et DJ c’est ultra-vulnérable: tu peux te faire détester parce que les gens n’ont pas envie d’entendre ce que tu joues ou, à l’inverse, tu te prends trop d’émotions dans la gueule parce que tu es tout seul à encaisser… »

En tous les cas, de façon plus intimiste, c’est derrière les platines de la Radio Vostok que Zebra programme aussi les Vostok Sessions, des concerts diffusés en direct un jeudi sur deux en plus de proposer ses « Dernières tentations » dont la promesse est d’offrir une heure hebdomadaire d’actualités rock et groove indé, chaque samedi soir de 21h à 22h. C’est d’ailleurs récemment que le 142e épisode a été diffusé sur les ondes de la radio genevoise, preuve encore une fois de la longévité de l’artiste dans un milieu qui ne fait pas souvent de cadeaux. 

Des platines à la gestion d’artistes

Versatile, flexible et surtout curieux, l’artiste se décline dans plein de domaines. Avec Zebra, il est en performance. « Je me mets dans la peau de zèbre, qui est mon exutoire. Quand je l’enfile, je suis dans une peau d’artiste et je ne suis plus normal. J’ai le droit à toutes les extravagances, à toutes les excentricités : je fais ce que je veux dans ma peau de zèbre! » Mais derrière ce masque scénique, Zebra est aussi Antoine, un mec normal « sinon je paraîtrais dingue » selon ses dires. Alors quand il n’est pas un DJ qui met l’ambiance de festival en festival, il prend soin de ses protégés comme le ferait l’herbivore avec ses progénitures.

© Stéphanie (Radio Vostok)

En cela, Antoine est un dénicheur de talents, un passionné de musique en tous genres, mais qui s’oriente actuellement davantage vers le rap. Il le fait à travers sa boîte de production et de gestion d’artistes Zebramix qui fait la part belle aux talents romands gravitant autour du style incontournable du moment. En cela, il donne du temps aux projets et une saveur particulière à ceux qu’il entoure. 

Pour Stone, que la rédaction a interviewé au printemps dernier (à lire ici), c’est le passage de flambeau envers un jeune gars qui reprend au millimètre le bootleg pour embraser les clubs sur des sons actuels. Pour Vivo, c’est la qualité d’écriture qui est mise en avant dans un projet au croisement de Gainsbourg à Orelsan, en passant par Higelin et Stromae. Et enfin, il y a la promesse Dibby, artiste queer invité à performer récemment au prestigieux Label Suisse avec un set live se différenciant des autres avec la présence d’un guitariste et d’un batteur. 

Sensations garanties, comme l’est l’ADN de Zebra.