Charlotte Cardin © Stéphane Besson pour Festi’neuch

Pour l’ouverture de sa 23ème édition, Festi’neuch a tapé fort. Si Louise Attaque a pris la lumière ce jeudi en jouant notamment dans le public Je t’emmène au vent, deux autres têtes d’affiches ont offert un autre vent frais à la soirée. L’une est de Saint-Nazaire, l’autre de Montréal.


On dirait bien que l’été pointe (enfin) le bout de son nez. Et ce n’est pas plus mal, quand on sait que les festivals commencent gentiment à sortir de leur hibernation. Au coeur d’une température clémente et face à un public joyeux, Zaho de Sagazan et Charlotte Cardin ont chacune, en français et en anglais, fait chavirer les Neuchâtelois·es. Et derrière ces deux prestations majuscules, jouées en début de festival, des similitudes se dégagent entre la Française et la Québécoise…

La touche sincère

Il y a des formes de maîtrises et d’assurances sur scène qui se dégagent chez les deux artistes. Mais on ne peut s’empêcher de constater qu’au fond d’elles-mêmes, il y a cette part de bienveillance et de sincérité qui a fait chavirer hier soir les public helvète.

Quand Charlotte Cardin évoque le sentiment que lui procure le fait de rejouer dans le pays une année après sa dernière venue, on ressent la sincérité d’un plaisir de venir ici. Et quand Zaho de Sagazan parle de sa venue il y a exactement 419 jours à la Case à Chocs devant quelques personnes, c’est sincère. C’est touchant même car à vingt-quatre printemps, la Française constate sur scène, sans le dire mais par le sourire, tout ce chemin parcouru. Un changement de dimension gigantesque qui a été magnifié par une performance surprenante et enivrante à l’image du titre Je rêve.

La mélancolie

Françoise Hardy partie aux cieux, les yeux doivent désormais descendre sur terre pour retrouver ses « mélodies » de noblesses, celles qui relatent la tristesse ou les amours déchus. Et ce sont les principaux thèmes jouées par les deux autrices-compositrices. Bien que certains morceaux envoient du rythme et de l’énergie, il y a derrière des paroles profondes. Et sur certaines d’entre-elles, des moments solennels.

Pour Zaho de Sagazan, la vie sentimentale est un thème important de ses morceaux : elle se fait d’ailleurs porte drapeau de ces gens qui, comme elle, ont dû surmonter des moments difficiles. Chacune, à sa façon, fait sourire, réfléchir, questionner sur soi, sur les autres aussi…

L’aisance sur scène

Ce n’est pas donné à tout le monde, mais on peut le dire : autant Zaho de Sagazan que Charlotte Cardin savent s’y prendre sur scène. Seules au chant, mais accompagnées de groupes hyper performants, les deux jeunes femmes prennent la place qu’il faut sur scène. Pas trop, juste ce qu’il faut. On retiendra de la Française une performance remarquable sur le titre Tristesse.

De droite à gauche, derrière ou devant, c’est tout l’espace qui est occupé. Mieux, elles arrivent à insuffler chez les festivalier·e·s des moments de relâchement, où des mouvements de danses insoupçonnées se révèlent, enfin, hors du miroir de la salle de bain… 

Charlotte Cardin © Amélie Chatellard pour Festi’neuch

Le fait de tout jouer (ou presque)

Délaisser son micro pour prendre un instrument au vol, c’est assez la classe. Et nos deux reines du soir l’ont fait. La victoire revient probablement à Charlotte Cardin, qui maîtrise aussi bien la guitare que le piano. Classe. Mais Zaho de Sagazan s’est plus que bien défendue: derrière son instrument à 88 touches noir et blanches (dont elle vante les mérites de remède), elle a su transmettre des émotions fortes sur Dis moi que tu m’aimes. Et bien qu’elle n’en jouait pas sur le tube La Symphonie des Éclairs, le ressenti était palpable : c’est bien elle qui l’a composé, qui était au piano.

La force vocale

Si les deux femmes sont artistes qui adorent leurs instruments, ce qu’elles maîtrisent le mieux sur scène reste certainement la voix. Et tant mieux! Car ce fut un véritable uppercut que ce sont pris les gens présents sur le littoral neuchâtelois. Il y avait de quoi écarquiller les yeux ou retirer ses bouchons d’oreilles pour se rendre compte de la justesse de leurs timbres, comme lorsque Charlotte Cardin a tout donné sur le titre Puppy de son récent album 99 Nights. Derrière son micro, elle dégage le parfait mélange d’un soul-R’nB modernisé par une voix qui n’a rien à envier aux plus grandes. Prometteur!

Charlotte Cardin © Albin Tissier pour Festi’neuch

Pour Zaho de Sagazan, il y a eu évidemment cette voix profonde qui trouve écho chez Jacques Brel et Barbara. Une technique unique pour un grain qui fait sensation, sans pour autant n’être qu’une étoile filante: soyons en certain, elle est là pour durer.

Bref. Festi’neuch se remet à peine de ce premier soir qui aura aussi vu Valentino Vivace mettre le feu à la scène Lacustre. Sans compter les performances de Silance, KOKOKO! ou Arthur Henry. Et ce n’est pas fini, car le vendredi s’annonce épique avec Irène Drésel, The Blaze ou encore Etienne Daho… dont le probable hommage à son amie Françoise Hardy est attendu. Un beau moment en perspective.