Aïsha Devi et Deena Abdelwahed ont offert une soirée électro transcendantale. Entre rythmes traditionnels et sonorités chamaniques, le public a été transporté dans une expérience sonore expérimentale.
Le Festival de la Bâtie 2024 a accueilli deux figures de la scène électro contemporaine : Deena Abdelwahed et Aïsha Devi. Dans l’intimité de l’Alhambra, les deux artistes ont fusionné leurs univers singuliers pour une soirée où la musique a pris des allures de rituel. Une expérience sensorielle totale où chaque note, chaque image projetée sur l’écran, et chaque basse ont résonné comme un appel à la transe.
Deena Abdelwahed, la libération de l’expérimentation
Deena Abdelwahed est une figure montante de la scène électronique. Elle s’est rapidement imposée dans les sphères les plus exigeantes du clubbing, de Boiler Room au Berghain. Pourtant, c’est avec une simplicité désarmante qu’elle surgit devant la scène pour lancer un « hello » vibrant au public encore épars de l’Alhambra.
Sur scène, elle mêle des sonorités électroniques à des rythmes inspirés du Fezzani de Libye, le Chaâbi d’Algérie et le Dabke de Palestine. Elle a proposé une expérience sensorielle puissante, jouant son album Jbal Rrsas, qui mêle musiques traditionnelles et musiques électroniques dans une atmosphère sombre, mais malgré tout dansante.
Les rythmes sont irréguliers et intéressants, ils donnent envie de bouger. Devant ses pads, sur lesquels elle tape pour avoir différents sons de tambours, l’artiste chante en arabe, d’une voix profonde, qui vient résonner directement dans le corps des festivaliers et festivalières. Pendant toute sa performance, Deena Abdelwahed revisite et déconstruit son identité tunisienne, tout en enrichissant les rythmes de la bass, de la techno et de la musique expérimentale. Elle incarne sur scène le manifeste d’une génération engagée, décolonisée, libérée des attentes et des conformismes.
Ses morceaux sont accompagnés d’un VJing fascinant, qui apporte une dimension visuelle hypnotique à sa performance. Au fil des morceaux, les projections vidéo se succèdent, d’abord sorte de pâte à modeler de synthèse dans des couleurs pastels. Puis des bancs de poissons qui se meuvent de façon fluide font leur apparition avant qu’ils ne prennent la forme de silhouettes composées de particules qui dansent.
Aïsha Devi : Une catharsis sonore
Dès les premières basses, Aïsha Devi impose une atmosphère sombre et oppressante, contrastée par sa voix éthérée qui semble flotter au-dessus des beats agressifs. Le jeu de stroboscopes intensifie cette ambiance, tandis que des tissus flottant en arrière-scène évoquent des esprits en mouvement, agités par des forces invisibles.
Au bout de son premier morceau, la Genevoise aux origines himalayennes invite le public à se lever et à danser : “J’ai grandi ici, je sais qu’on a l’habitude d’être très silencieux pour ne pas déranger. Mais je veux que vous bougiez, que vous laissiez votre corps vivre et refléter la musique, pour vivre les morceaux pleinement.”
Le spectacle visuel est assuré par Emmanuel Biard, un artiste français bien connu du milieu électronique. L’atmosphère et les lumières d’ambiance sont douces, contrastées par des stroboscopes fous et une fumée qui donne un côté très immersif à la performance.
Son nouvel album, Death is Home (2023), résonne comme une quête introspective et spirituelle, explorant les thèmes de la mort et de la renaissance. Ses rythmes quasi chamaniques semblent invoquer une force primaire, une énergie brute qui secoue les tripes et pousse à l’abandon. Le public, d’abord passif, finit par onduler, puis danser des plus en plus fort, transcendé par cette expérience où le corps devient un instrument de libération.
Aïsha Devi parvient à créer un espace sonore où l’onirisme se confond avec le réel, appelant à la libération des corps et des esprits, où la musique et pratiques spirituelles se rejoignent.