© Victor Perrin

Collaborant pour la première fois, La Bâtie-Festival et L’épicentre ont uni leurs forces programmatiques jeudi soir pour proposer, à Collonge-Bellerive, une soirée intimiste aux accents sensibles, et parfois extravagants. 



Il y avait de quoi en invitant en première partie l’artiste suisse Delia Meshlir, dont la voix douce fait planer le public, et de l’autre le Belge, dont la présence scénique décoiffe. Deux mondes qui sont finalement éloignés, mais qui trouvent en commun la passion des mélodies, des surprises et de la sincérité. 

Delia Meshlir se dévoile en duo 

C’était écrit sur l’affiche, la Lausannoise serait en duo. Pour cette fois-ci sur la Rive gauche de Genève, il n’y aura pas de groupe au complet tel que l’on pourrait l’entendre sur l’excellent album Bring Back The Lightparu en novembre 2023. Finalement, un mal pour un bien car dans l’ADN de la soirée, cela n’aurait peut-être pas fonctionné. C’est le ying et le yang d’une performance touchante face à une prestation plus atypique de Loverman. 

© Victor Perrin

Accompagnée d’un Steven Andrew Navid maîtrisant superbement les effets sur sa guitare, Delia Meshlir s’aventure sur le terrains conquis, ceux de certaines compositions déjà parues. Elle expliquera aussi avoir profité cet été de moments en forêt pour composer de nouvelles chansons, exclusivement jouées sur cette scène-là sous forme de crash test sincèrement réussi. Et toujours avec la langue anglaise comme dénominateur commun qui anime ces ballades musicales.

Ce qui en revanche est intéressant, c’est qu’elle explore aussi le monde francophone qui n’était, à ce jour, peu ou pas mis en avant. Un changement d’horizon musical? Une autre façon d’aborder son répertoire? Il y a peut-être des deux. Et ce n’est donc pas anodin qu’elle reprenne, en fin de concert, une chanson sublime de Flavien Berger nommée Soleilles. Et si c’était, au singulier, un soleil qui aurait illuminé la nuit à Collonge-Bellerive? 

Loveman bouscule le public discret de L’épicentre

Un peu moins de trente minutes, c’est le temps du changement de plateau qui permet de savourer une bière locale dans le petit bar adjacent de l’épicentre. Dans cette superbe salle, dénicheuse de talents, un piano est installé côté jardin. Face au public, une guitare acoustique, un tambourin et un micro. C’est tout. Un seul sur scène qui s’avérera un tourbillon pour le public. 

© Victor Perrin

Loverman est un véritable phénomène scénique. Il s’accapare à lui seul un espace finalement bien trop confiné, comme la période pandémique à l’effet déclencheur chez le Belge. C’est à ce moment-là, entre 2020 et 2022 justement, que les chemins se séparent avec son groupe Shht.

Avec cela l’émancipation totale de James De Graef qui fait naître un projet unique. L’artiste qui va exploser dans les mois à venir, en tout cas on peut le croire fortement. Et il ne suffit pas d’écouter son album Lovesongs pour comprendre le talent: il faut absolument vivre le moment du concert pour s’en apercevoir. Car rien n’est descriptible à l’écrit sans le voir de ses yeux. 

Parce que Loverman a cette capacité d’attirer l’attention. Affublé d’un habit déconstruit laissant paraître un caleçon souriant sur l’arrière-train, il captive autant qu’il met mal à l’aise certaines personnes dans le public. Mais que c’est bon!

Dans un instant de vice, il en devient presque tentant de se voir accroché par un regard perçant sur Would (Right in Front Of Your Eyes), de se voir mis à contribution un instant en référence au « This is audience participation time » de Frank Zappa.

Ainsi, nous ne sommes plus simple spectateur, mais acteur du show. L’audience bellerivoise aura été toutefois plus contenue et discrète qu’espéré par le chanteur mais au moins, elle aura écouté attentivement des titres sublimes tels que Call Me Your Loverman. Marque d’un profond respect pour assurer cette première date en Suisse

À travers sa musique, le jeune homme souligne sa connivence avec les ballades mélancoliques, agrémentée d’une voix rappelant Leonard Cohen ou Bill Callahan dans sa profondeur et Nick Cave dans son explosivité. Cette soirée-là, le Flamand interprétera des morceaux de son récent, et premier album Lovesongs. Et si ce n’était pas le public genevois qui était tombé amoureux de ce phénomène?