© Victor Perrin

C’est un plateau magnifique qu’a offert le festival genevois mardi soir à l’Alhambra. Au regret d’une salle incomplète malgré la soirée de haut vol, il apparaissait sur place un vrai moment de partage.



Entièrement acquis à la cause de Louis Matute, de ses cinq musiciens (dit Large Ensemble) et d’une invitée à la voix de velours (Gabi Hartmann), le public ne s’est pas trompé de ticket. Il a assisté, peut-être une fois encore, aux prouesses du guitariste de jazz genevois qui a notamment joué cet été à Hermance (Jazz sur la Plage) ou au parc La Grange (Musique en été). Sans compter une présence remarquée au festival de jazz à Vienne en première partie d’Ibrahim Maalouf. 

Tout cela sans oublier la sublime première partie proposée par Espuma Antigua, formation genevoise qui en a surpris plus d’un.

Espuma Antigua, quand le baroque rencontre le terroir

C’est un quatuor qui sonne comme dix. Emmené par Flora Ageron, une chanteuse au timbre aussi sensible que puissant, le groupe formé en 2018 vernissait son récent album Continuo. Et si le mot fait référence à un mouvement de basse dans le baroque, il pourrait aussi faire référence à cette continuité du moment vécu durant une heure. 

Une heure de voyage, oui, quand il est dit au micro que Mereces un Amor est un hommage au poème de la Mexicaine Estefania Mitre, accompagné par le talent d’Erwan Valazza à la guitare. Une introduction à tomber par terre, magnifiée en concert par une scénographie touchante rappelant une place de village. Et là encore, le voyage se perpétue quand Flora Ageron évoque Bella ci dormi, une chanson traditionnelle des Pouilles qui se réinvente auprès du groupe. 

Espuma Antigua est un moment émouvant à vivre, et qu’il faut vivre. Il y a du sens, et de la sensibilité derrière les propos de Flora Ageron qui a une voix aux mille saveurs. Erwan Valazza joue avec une subtilité sidérante pour accompagner l’ensemble, dont les basses et rythmiques du violoncelle de Beatriz Raimundo. Ce socle docile est secondé par l’excellent batteur Nathan Vandenbulcke.

C’est lui qui fait d’ailleurs le pont entre les deux plateaux, car son instrument ne bougera pas de scène: il sera là pour accompagner Louis Matute.  

© La Bâtie

Un Louis Matute généreux aux sonorités latines et brésiliennes

Il y a des réussites dont Genève peut être fière lorsque l’on ne s’intéresse pas au prestige mais à l’essentiel: les émotions. Les musiciens qui font frissonner, il y en a plein. Mais quand la maîtrise est là, tout va. Louis Matute coche ses cases avec son Large Ensemble. À chacune de ses apparitions sur scène, il amène son public dans un tourbillon jazz à la sauce latine. On est loin de ce genre perçu parfois comme ennuyant, ou même vieillissant : c’est l’ode à la joie, c’est la jeunesse qui reprend la main. 

Le spectateur passe une partie de son heure à éplucher les détails subtiles qui composent ses albums, dont le récent Small Variations from the Previous Day. En introduction, c’est Tangos de l’album Folklore qui ouvre les festivités. Puis, une belle introduction à la guitare mène à Movie Star

© Victor Perrin

La recette « Matute » est palpable: c’est une puissance de feu, qui est loin des sonorités plus contenues dans ses albums. Car on est là dans un vrai concert, avec des vrais musiciens qui vivent vraiment l’expérience. Le public suit évidemment, à deux pieds de se lever et danser, mais en tous cas à un pied de taper le tempo comme sur l’excellente Narcissus. 

Et c’est à ce moment là que l’on constate qu’effectivement, l’enregistrement n’est pas le live. Quand la batterie studieuse s’écoute dans le casque, elle est ici d’une énergie vivace que donne Nathan Vandenbulcke. N’oublions pas: il a enchaîne deux concert sans en donner l’impression. 

Quelle vista d’ailleurs, qui boost évidemment tout le groupe dont Andrew Audiger au piano. Leur duo fonctionnera tellement bien sur le titre 2000Years, probablement l’un des meilleurs du récent album avec ce patern délicieux qui se savoure sans modération.

Matute-Hartmann, ce duo qui fonctionne bien

Programmée ce soir-là aux côtés du Genevois, Gabi Hartmann s’avance au milieu du set pour trois morceaux, puis deux en fin de concert. Rayonnante, solaire, souriante, la Française respire le plaisir de chanter et ne manque pas de le prouver en quelques mots seulement. Il est rare de constater qu’une voix si enrobante peut engager le public dans une attention des plus grandes. Car l’Alhambra est subjuguée, un simple coup d’oeil vers celle-ci suffit pour le constater. 

© Victor Perrin

C’est surtout cette complicité forte avec Louis Matute, née d’une rencontre dans un festival au sud de la France, qui marque les esprits. Les sourires s’échangent, et les notes à la guitare aussi. Un amour pour la musique qui donne raison aux spectateurs et spectatrices sortis un mardi soir de chez eux. 

Appréciée du mythique batteur Manu Katché, le Français l’a invité au Cully Jazz en 2023 pour une soirée carte blanche avec Ben L’Oncle Soul ou encore Thomas Dutronc. Elle a un talent indéniable, c’est un sucre que l’on savoure dans un matelas de velours. Ce n’est pas pour rien qu’elle est numéro un des ventes d’album dans son genre musical. 

Bref, on redemande cette collaboration des plus réussies, à l’image du duo sur Alma no Mar.