© Victor Perrin

Il y a chez l’artiste québécois un mystère: comment ses concerts peuvent-ils être à chaque fois un instant unique, différent des autres? Sûrement par la technicité musicale, mais avant tout par la sincérité dégagée sur scène. Dimanche dernier, le Théâtre de Beaulieu a été le lieu d’un moment précieux.


Après quelques chansons, il s’exprime au micro devant une salle affichant complet. Patrick Watson voue un réel plaisir à venir dans la cité olympique, pour son lac et sa quiétude. Ses enfants ont apprécié, et le public appréciera également la présence du Montréalais. 

Aussi millimétré que spontané

Pour marquer la fin de semaine, le public lausannois (et d’ailleurs) s’était déplacé en nombre pour admirer – une nouvelle fois en Suisse – l’auteur de Je te laisserai des mots. Il avait, juste avant la pandémie, fait planer l’Octogone de Pully avant de réitérer la performance en 2023 dans le cadre du festival Antigel à Genève. Est-ce que la recette fonctionne toujours? Oui, sans nul doute.

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Marqué par un jeu de lumières splendide, le concert s’ouvre mystiquement sur une prestation solo de la violoniste du groupe avant que tout le reste des membres se joigne à elle – Patrick Watson compris. Autour d’une audacieuse composition dont il a le secret, le quadragénaire est intenable: au synthétiseur, au clavier, face au public en duo avec son batteur-guitariste. Tout est millimétré, et en même temps tout est spontané. 

Prenant à bras le corps le contenu de son récent album Uh Oh! pour le présenter à son public helvétique, celui qui affectionne les ruelles proches de la station Laurier affectionne aussi la mise en avant d’autres voix… des voix féminines, traduites par des collaborations avec Charlotte Cardin, Klo Pelgag, Martha Wainwright, Charlotte Oleena, Solann, November Ultra, Hohnen Ford (qu’il invitera sur scène) ou encore La Force. Au Théâtre de Beaulieu, c’est cette dernière qui sera tout du long à ses côtés – comme depuis plusieurs années en tournée. Et quel tour de force de l’artiste canadienne.

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Plusieurs femmes sous une seule voix 

La Force reprend plusieurs morceaux sans fléchir, dont House on Fire et Silencio. Comme le souligne le journaliste Cédric Petit dans son article paru au 24 Heures, « ces chansons trouvent leur origine dans une période où Patrick Watson était condamné au silence, trois mois durant après avoir perdu totalement la voix. En incapacité de chanter, il a dès lors tendu le micro à celles qui pouvaient le mieux pallier et traduire son imaginaire vocalement ».

Cet imaginaire n’a laissé planer aucun doute dimanche: Patrick Watson est un artiste exceptionnel, qui doit être vu sur scène et chéri dans son salon pour la qualité hors-norme de ses compositions. Il laissera bouche bée le millier de spectateurs et spectatrices sur une prestation dantesque de Peter and the Wolf, la finesse de Melody Noir et la puissance de Here Comes The River. À l’image du titre Lighthouse, cet homme est un phare dans la grisaille. 

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Hohnen Ford introduit magnifiquement la soirée

Au milieu des nombreux instruments et micros qui jonchent la scène du Théâtre de Beaulieu, un piano est installé en plein coeur de celle-ci, devant un public attentif. Une position qui met en lumière l’artiste, protégée de Patrick Watson qui avouera son admiration pour elle, et sa voix. Il y a des airs de Hannah Reid (London Grammar), une légèreté puissante comme sur le titre Ordinary. 

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Enthousiaste de sa venue à Lausanne, elle aura demandé – avec surprise – si les rongeurs faisaient parti de la ville olympique. Réponse du public : oui. Réponse de l’artiste : les premières notes de Burn My Return Ticket (The Rat Song) au contexte très new-yorkais. Malgré l’absence d’instruments l’entourant, ce furent trente minutes charmantes, apaisantes et envoûtantes passées aux côtés de celle qui a fait paraître récemment un petit bonbon, l’EP Incurable Optimist. Patrick Watson a eu le nez creux en invitant la britannique sur son dernier album, et certainement qu’elle sera de nouveau visible sur scène ces prochains mois… avec un groupe?  

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