MC Yallah © Michelle Isinbaeva

Une nouvelle génération de rappeuses vient bousculer les codes du rap. Elles intègrent des éléments de musiques électroniques, de jazz, et même de metal pour créer des sonorités uniques. Retour sur une soirée à la Bâtie riche en découvertes.



C’est au milieu d’un parc tranquille de Lancy que le public du festival de La Bâtie vient découvrir les performances d’un duo venu des Etats-Unis et d’une MC d’Ouganda. Il ne se doute pas qu’il assistera à deux performances impactantes. La première étant résolument pionnière et l’autre marquante par son énergie à faire trembler les murs.

L’expérimentation H31R

Le duo H31R : à gauche la rappeuse maassai et à droite la productrice JWords © Dominique Mills

Pour nous, c’était un des concerts les plus attendus du festival, parce qu’elles sont les pionnières d’un nouveau sous-genre de rap à surveiller: le machine rap. Ses caractéristiques: un flow rapide qui est déroulé sur une production industrielle brute et expérimentale.

Derrière l’énigmatique nom de H31R (prononcé Heir/Air), se cachent la productrice JWords et la rappeuse maassai. Sur scène, le duo formé à Brooklyn offre un set où le hip hop se mêle à des influences électroniques, du jazz expérimental et même des touches de drum’n’bass. Le flow fluide et rapide de maassai, comparable a celui de Noname, est soutenu par les productions industrielles et brutes de JWords.

Ensemble, elles explorent des territoires musicaux avant-gardistes. Les morceaux sont courts et s’enchaînent presque sans interruption. Des titres comme Backwards et Toxic Behlavior témoignent de leur capacité à allier mélodies catchy et profondeur introspective. Les deux artistes sont complémentaires et liées par une complicité palpable: pendant que l’une assure le show et la communication avec le public, l’autre reste plus en retrait, protégée par ses platines. Un résultat enthousiasmant qui mérite plus d’attention.

MC Yallah

MC Yallah au Festival de la Bâtie © Natacha Vallette d’Osia

Malgré ce que son nom de scène semble indiquer, MC Yallah est bien plus qu’une chauffeuse de salle. Lorsqu’elle arrive sur scène vêtue d’un body rose avec des manches chauve-souris et des bagues en or à chaque doigts, le public ne se doute qu’il a à faire à une artiste qui le secouera du début à la fin.

MC Yallah, qui fait partie du collectif ougandais Nyege Nyege est accompagnée de Debmaster, son beatmaker. Il n’hésite pas à envoyer des beats aux sonorités saccadées. Elle est armée de son flow implacable et n’hésite pas à donner de la voix. Quitte parfois à tomber presque dans du métal. Ses textes sont interprétés en quatre langues, principalement le Luo et le Swahili du Kenya, le Luganda d’Ouganda, et l’anglais. Son débit est tel, si bien que le public se demande à quel moment elle respire. On retrouve des similarités de flow avec l’artiste nigériane Aunty Razor, qui s’est produite à Paléo cette année.

MC Yallah occupe la scène et ne se contente pas de performer : elle communique, descend dans le public, fait chanter la foule et irradie une joie communicative. Malgré l’intensité des basses presque écrasante, la complicité entre MC Yallah et Debmaster a offert une performance énergique et sincère, où la musique devient un outil de libération autant pour les artistes que pour le public.