Du 29 août au 15 septembre 2024, Genève vibrera au rythme de la 48e édition du festival de La Bâtie. Thomas Van Daele, le programmateur musical, nous dévoile ses coups de cœur pour cette édition et sa vision engagée des artistes programmé.e.s.
Pendant 18 jours, le programme du festival mêlera encore une fois musique, théâtre, danse, cirque, et fêtes nocturnes, pour un total de 104 représentations. Pour cette 48e édition du festival de La Bâtie, Thomas Van Daele, en charge de la programmation musicale, nous entraîne dans les coulisses d’un choix artistique à la fois audacieux et inclusif. À travers ses coups de cœur, il révèle une vision où chaque voix compte, faisant écho à un engagement fort pour la diversité sur scène.
Dans un article précédent, LastNite.ch avait dévoilé ces 5 artistes à ne pas rater au festival. Voici la sélection du programmateur et des artistes qui donneront le ton de cette édition vibrante.
« La Bâtie est un super endroit pour faire des expériences.»
Natacha Vallette d’Osia (LastNite.ch) : La programmation musicale de cette année est très variée, on passe du néo-classique, à la pop, en passant par les musiques électroniques parfois brutistes. Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu as conçu la programmation de la 48e édition ?
Thomas van Daele: Quand on fait une programmation, il faut d’abord penser aux artistes et où on va les faire jouer. Un artiste, c’est la personne la plus vulnérable dans cet exercice. Ensuite, je suis attaché à des choses anciennes, mais j’aime explorer de nouveaux territoires en allant voir de nouveaux projets. J’ai pu écouter des artistes par le passé qui restent dans mon ADN. Et puis il y a des choses que je découvre, de nouveaux univers musicaux. Par exemple, ça ne fait pas si longtemps que j’écoute de la musique électronique et que je vais voir des trucs plus expérimentaux. Et c’est quelque chose qui se ressent aussi dans la programmation. Je peux prendre le pouls de scènes différentes et en faire une programmation, parce que je trouve que la Bâtie est un super endroit pour faire des expériences.
Au niveau de ta programmation, est-ce que tu as des coups de cœur dont tu ne raterais le concert pour rien au monde ?
Deena Abdelwahed, c’est vraiment un de mes coups de cœur. Sans oublier Aïsha Devi, que j’ai eu la chance de voir aux Pays-Bas et c’était vraiment un super moment. C’est une artiste qu’on méconnaît en Suisse, alors qu’elle vient de Genève. Elle a gagné un Prix Suisse de la Musique et je trouve qu’elle est passée un peu sous les radars, alors que son travail est méga intéressant. L’autre soirée coup de cœur, c’est ce concert de Maya Shenfeld, qui est une musicienne qui fait de l’ambient, qui par moments, devient plus brutiste. C’est accompagné d’une projection, c’est vraiment prenant.
Est-ce que tu as pris des risques particuliers avec cette programmation ?
Oui, j’aime bien prendre des risques. Je pense que j’aime aussi titiller les gens. Je pense qu’il y a des performances qui vont bousculer le public. Par exemple, la pièce d’ouverture de Marta Górnicka, elle est hyper intense avec 21 femmes de 9 à 72 ans qui parlent de la guerre en Ukraine et de leur exil. Ce sont des choses qui vont pas nous laisser indifférents et indifférentes et c’est ça qui est important. Que quelqu’un aille voir un concert, une pièce, une performance, et ressort en disant “ouais c’était pas mal…” Moi je suis déçu de ça. Je suis content si on déteste, je suis content si on aime beaucoup, je suis content. Je trouve important si ça provoque quelque chose en nous, que ce soit positif ou négatif.
Il y a donc une volonté de provoquer une réaction. Est-ce qu’il y a d’autres dimensions importantes dans ta programmation ?
On a le pouvoir, quand on fait de la programmation, de choisir qui se produit sur les scènes. C’est un pouvoir un peu vertigineux, parfois. Et l’important, c’est de donner la parole à des gens qui ne l’ont pas forcément tout le temps. Donc de permettre au public aussi d’aller écouter ces gens qui ont des choses à dire. Ça c’est hyper important.
La programmation est effectivement à majorité féminine, est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Cette volonté, cette nécessité de donner la parole à des femmes, à des personnes non-binaires, à des personnes issues de minorités de genre, elle est primordiale. Parce que ces personnes ont été trop longtemps invisibilisées. Et on ne peut pas avoir ce discours passéiste, de dire que les femmes ne vendent pas de billets, parce que ce n’est pas ça le problème. Quand on ne leur donne pas l’occasion d’en vendre, c’est clair qu’elles n’en vendront jamais. Je crois que la majorité féminine cette année, elle s’est construite aussi assez naturellement parce qu’on a ces questionnements qui sont en permanence dans notre tête.
« On ne peut pas avoir ce discours passéiste, de dire que les femmes ne vendent pas de billets, parce que ce n’est pas ça le problème. Quand on ne leur donne pas l’occasion d’en vendre, c’est clair qu’elles n’en vendront jamais. »
D’ailleurs, le Lieu Central qui prend ses quartiers à la Fonderie Kügler, assurera le clubbing et présente une programmation 100% féminine et queer.
C’est Alba Lage (Ndlr: programmatrice et coordinatrice du Lieu Central) qui a travaillé sur la programmation et j’ai eu la chance de collaborer avec elle là-dessus. Et le parti pris tout de suite, ça a été de dire en fait qu’on va mettre des identités féministes et queers en avant, parce que des hommes cis constituent la majorité des DJ et on veut montrer autre chose. Et là on a d’autres personnes, on a une médecin Nesa Azadikhah, qui est iranienne expatriée à Paris parce que si elle fait de la musique dans son pays, elle risque, si ce n’est des amendes, des peines de prison. Bashkka, qui est une femme trans, turque, qui habite en Allemagne et qui fait de très gros sets.
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