Pale Moon au Super Bock Stage © FFJM 2022 Thea Moser

Le Montreux Jazz Festival a la réputation de tenir une programmation en salle particulièrement riche, innovante et audacieuse. C’est sans compter les scènes gratuites, que ce soit sur la Super Bock Stage ou Lisztomania, qui ne proposent pas de projets insignifiants. Bien au contraire, car des pépites existent à l’image de Pale Moon ou Godford qui préformaient ce mercredi 6 juillet. 




C’est sous un soleil exquis, permettant aux Alpes de présenter leur plus bel écrin, que Pale Moon s’est avancé sur la Super Bock Stage pour offrir près d’une heure de concert envoûtant. Un moment hors du temps emmené par Árni Gudjonsson, ex-membre de Of Monsters And Men, qui s’est extrait du groupe islandais pour créer son propre projet. Le natif de Reykjavik semblait heureux d’être à Montreux, en témoigne ses grands sourires parfois cachés par une chevelure prédominante, particulièrement soyeuse. Chantant certains morceaux de l’album Lemon Street paru récemment, il crée un duo particulièrement complémentaire avec Natalia Sushcenko qu’il a rencontré alors qu’elle étudiait le design de mode à Barcelone.

Les fleurs attachées sur les habits des musiciens n’échapperont pas aux amoureux d’un autre temps, celui des seventies qui se représentent bien sur les morceaux de l’album. La chanson Exile aura par exemple particulièrement plu à un public venu nombreux découvrir un projet solide qui fait voyager dans l’au-delà. Aux côtés de Natalia, d’origine sibérienne et à la voix enchanteresse, Árni déploie ses ailes bien loin de la frénésie qu’a entraîné la sortie du titre Little Talks en 2011. Il propose un jeu épuré à la guitare tandis qu’elle propose un timbre vocal à la fois doux et rassurant, dont la puissance à certains moments pourrait faire trembler la Dent de Jaman. 

Pale Moon au Super Bock Stage © FFJM 2022 Thea Moser

Nul doute que des souvenirs seront gardés pour les mélomanes du Montreux Jazz Festival, certains d’avoir pu assister à l’éclosion d’un groupe qui a tout pour plaire et réussir sur la scène internationale. C’est aussi ce qui se dégage de Godford, DJ des plus séduisants avec son électro autant dansante et qu’immersive qui prend source chez Frank Ocean ou encore Moby. Porté par l’élégance sonore à la française, pays dont l’artiste est originaire, Godford est un personnage mystique qui dévoile ses qualités aux platines à force d’entrer dans son univers. Sous un bandana cachant une partie de son visage, il donne des vibrantes émotions à un Lizsomania séduit par un set sans fausse notes : les enchaînements sont d’une parfaite fluidité, faisant danser chaque corps tel un feu ardent attendant patiemment la nuit pour se révéler. Car oui, jouer à 21h n’est pas chose aisée. Mais Godford a rendu l’exploit de faire croire à son public que la rave était déjà entamée depuis lontemps. Et qu’il était tard dans la nuit. 

Merci pour ce moment. Enfin, ces moments!

Godford au Lisztomania © FFJM 2022 Thea Moser

Sam Ryder souffle le chaud et le froid

Deux horaires différés, c’est aussi deux ambiances différentes. C’est ce qui caractérise ce grand écart entre un groupe fascinant jouant à 19h sur la scène Super Bock (Pale Moon) et un DJ énergisant qui joue à 21h sur la scène Lisztomania (Godford). Mais entre temps, il fallait meubler. Sur la scène IBIS, un Britannique du nom de Sam Ryder a crée une sorte d’amalgame étrange entre passion et rejet parmi la foule venue en nombre. Excellent chanteur aux qualités indéniables, il est connu pour avoir joué au jubilé de la Reine Elisabeth II et à l’Eurovision (2ème cette année) en plus de cumuler trois millions d’écoutes mensuelles sur Spotify et treize millions d’abonnés sur TikTok.

Alors oui, il a su plaire à ses quelques fans en avant et un nombre incalculable de quinquagénaires prenant place sur l’une des scènes installées sur les berges du lac Léman. Il y eu aussi des curieuses et curieux qui hochèrent la tête sur quelques musiques entraînantes telles que Tiny Riot ou Space Man. Mais certains refrains accrocheurs n’ont pas effacé cette façon de malheureusement sur-jouer chez ce natif d’Essex, propre aux pantins que crée parfois les programmes issus du petit écran. Paroxysme du personnage pop piquant des mimiques scénique à Céline Dion ou Beyoncé, il catalysera malheuresement des sentiments mitigés dans le public. Il n’y a qu’a observer certains regards interloqués et des commentaires moqueurs pour comprendre que ce style calibré et tout droit sortit d’un spectacle télévisé ne convient pas à tout le monde.

Cela n’enlève en rien la qualité des compositions de l’artiste qui s’écoutent agréablement sur les plateformes, à l’instar de la puissante et sincère Set You Free. Mais reprendre sans vergogne les envolées de Freddy Mercury entre deux morceaux pour chauffer le public ne permet pas à Sam Ryder de se positionner comme un artiste authentique avec une personnalité se démarquant des autres, pour qu’elle puisse s’avérer unique. Et c’est dommage, car le potentiel existe. En effet, il n’a pas été présenté pour rien par le MJF comme l’un des 20 artistes à suivre dans le cadre du programme MJF Spotlight !

L’édition 2022 du Montreux Jazz Festival se poursuit jusqu’au dimanche 17 juillet 2022. De nombreux concerts payants et gratuits sont programmés en salle. Pour plus d’informations, c’est par ici.

Sam Ryder sur la scène IBIS © FFJM 2022 Lionel Flusin